La traille
The ferry cable
Das Fährkabel
Gouache sur parchemin marouflé sur panneau préparé
faussement attribuée à Matthys Schoevaerdts (Vente Artcurial du 18.11.2014)
probablement de David Teniers le Jeune (1610-1690)
Repéré par Tilia. Merci !
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La traille
The ferry cable
Das Fährkabel
Gouache sur parchemin marouflé sur panneau préparé
faussement attribuée à Matthys Schoevaerdts (Vente Artcurial du 18.11.2014)
probablement de David Teniers le Jeune (1610-1690)
Repéré par Tilia. Merci !
Commentaires
Amusant, j'étais justement en train de revoir des dessins sortis des Archives Vaticanes...
Dont celui-ci :
https://imagizer.imageshack.com/img923/4205/nrDR38.jpg
qui représente le rocher des Doms avec le fort Saint-Martin rasé par la fameuse explosion de sa poudrière en 1650.
Ce qui permet de poser une grande question : l'attribution de la gouache du jour est-elle certaine ? Parce dans l'affirmative, on a un problème !
Vous avez bien compris : le fort Saint-Martin a disparu AVANT la naissance de l'artiste... qui l'a - ou l'aurait - présenté intact sur son dessin, alors qu'il n'a jamais été reconstruit. Quelle explication ??
Il y a de grandes chances pour que Schoevaerdts n'ait jamais mis un pied en France.
Extrait de l'article qui lui est consacré dans Wikipédia :
"Les paysages de Schoevaerdts représentent généralement des vues imaginaires. Parmi ses vues les plus réalistes, il y a notamment des capricci ou des vues d’Italie, pays qu’il n’a jamais visité : une vue de Rome et l’autre de Venise. L’artiste doit s’être appuyé sur des gravures pour ces paysages plus réalistes."
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mathys_Schoevaerdts#%C5%92uvre
Et un peu plus haut dans l'article de Wikipédia , on peut lire :
"En raison de la similitude de leurs sujets et de leurs styles, les compositions non signées de Schoevaerdts ont été confondues avec celles de ses maîtres Adriaen Frans Boudewijns et Pieter Bout."
Pieter Bout (1658-1719) :
https://www.1stdibs.com/it/arte/dipinti/dipinti-paesaggio/pieter-bout-pittura-a-olio-di-paesaggio-con-il-palazzo-papale-di-avignone/id-a_4123912/
Concernant Pieter Bout, on peu lire dans son article sur Wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pieter_Bout
"Pieter Bout est un artiste très prolifique qui s'adonne à plusieurs genres. La plupart de ses œuvres incluent un élément de paysage et beaucoup sont des vues de villes, villages, ports, plages et rivières. Ses vues sont dans la tradition de Jan Brueghel l'Ancien. Elles ont également des similitudes avec l'œuvre de David Teniers le Jeune".
David Teniers le Jeune (1610-1690) dont l'un des suiveurs a peint la scène du passage du bac (baptisée "Scène de pêche dans un paysage fortifié" par Ader) avec beaucoup moins de talent que le présumé Schoevaerdts :
https://www.ader-paris.fr/lot/103635/11882794-suiveur-de-david-teniers-scene-de-peche-dans-un-paysage?
Ma conclusion : la gouache en question aujourd'hui "Le passage du bac devant la ville d'Avignon" n'est pas de Schoevaerdts, mais de David Teniers le Jeune (1610-1690) . Le niveau supérieur de talent du "passage du bac devant la ville d'Avignon" est évident.
Le dessin en est bien meilleur, et en outre il présente de nettes différences avec"Scène de pêche dans un paysage fortifié".
https://www.artnet.com/artists/david-teniers-the-younger/sc%C3%A8ne-de-p%C3%AAche-dans-un-paysage-fortifi%C3%A9-dIUNCuF62iZHSE6zrOgMew2
.
Bravo Tilia ! 100 % d'accord avec toi et merci pour ces recherches et cette révision.
Vue de près (sur le site de vente), l'œuvre regorge de détails qui n'auraient sans doute pas résisté à un cycle dessin / gravure / recopie, cycle qui a pu piéger un grand artiste comme Israel Sylvestre. Parmi eux, la précision de représentation du fort sommital, la toiture de la chapelle du Petit Palais, qui fut écimée par l'explosion d'aout 1650 et ne retrouva jamais sa hauteur primitive, et un détail très rarement vu : la rampe d'accès au pont, qui permettait de ne pas traverser la ville... Ainsi que mille autre choses, telles les dispositions septentrionales des fortifications du Rocher (également visibles sur le dessin de la Vaticane que je donne plus haut, où l'on retrouve le fameux "trou des Masques" disparu sous les réservoirs orientaux du site).
J'encourage les lecteurs à examiner de près cette gouache directement sur le site, pendant que c'est encore possible, en jouant de la loupe :
https://www.artcurial.com/ventes/2588/lots/71-a
Donc conclusion, l'attribution est fausse, l'œuvre est sans le moindre doute plus ancienne !
Et parmi les merveilles présentées ici même, on peut voir :
http://avignon.hautetfort.com/archive/2020/01/30/lou-fort-sant-martin-1-6209086.html
http://avignon.hautetfort.com/archive/2020/01/30/lou-fort-sant-martin-2-6209094.html
http://avignon.hautetfort.com/archive/2020/02/10/lou-fort-sant-martin-3-6211742.html
http://avignon.hautetfort.com/archive/2020/02/11/lou-fort-sant-martin-4-6211964.html
http://avignon.hautetfort.com/archive/2020/02/10/lou-pichot-palais-6211655.html
Merci Alain. Pour le "bravo". Et un autre plus grand merci pour la découverte d'Israël Silvestre et, par répercutions, la découverte des dessinateurs et graveurs natifs de Nancy, dont le plus célèbre d'entre eux (vous ne l'ignorez sûrement pas) est Jacques Callot, dont on peut lire une biographie détaillée dans l'article ci-dessous :
https://nancybuzz.fr/histoire-jacques-callot-nancy-graveur-eaux-fortes/
À présent, cher Alain, j'aimerais avoir quelques lumières sur les circonstances de la méprise (?) d'Israël Silvestre que vous évoquez ainsi : "l'œuvre regorge de détails qui n'auraient sans doute pas résisté à un cycle dessin / gravure / recopie, cycle qui a pu piéger un grand artiste comme Israel Sylvestre." Merci encore de me renseigner là-dessus.
Je ne pense pas que ce soit l'une des trois gravures d'Israël Silvestre conservées par le Rijksmuseum. Celle ainsi légendée (en français moderne) "Vue et perspective d'une partie des Ville et Château d'Avignon" ayant pour datation 1854, mais dont le sommet du rocher pourrait montrait les restes du fort après l'explosion...
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/63/Gezicht_op_Avignon%2C_RP-P-OB-72.976.jpg?uselang=fr
https://www.rijksmuseum.nl/nl/collectie/object/Gezicht-op-Avignon--719eb8105f3850714ae1d2096d8b0f2d?tab=data
La gravure de la vue générale d'Avignon montrant clairement le fort Saint-Martin est bien indiquée 1631 - 1657...
https://www.rijksmuseum.nl/nl/collectie/object/Gezicht-op-Avignon--e7253e47773fa94b61229d93999228a6?tab=data
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gezicht_op_Avignon,_RP-P-OB-74.124.jpg?uselang=fr
.
Chère Tilia,
Je ne faisais pas allusion au cas particulier du fort Saint-Martin, mais plutôt au fait plus général que, lorsqu'un dessinateur de passage "croque" un panorama à la mine de plomb et que rentré chez lui il le grave, il y a quelques chances que certains détails soient transformés car il n'a plus le site sous les yeux. Cela a bien été le cas pour Israël Silvestre (avec un I, oui, et pas Y). Et si en plus un peintre s'avise de barbouiller une toile d'après la gravure, il y a fort risque que la divergence entre réalité et représentation s'accentue.
Or ici pour la scène dite du Bac à traille, il me semble qu'il y a une telle densité de détail exacts que très probablement l'artiste s'est effectivement trouvé devant le Rocher à un certain moment ! Ce qui exclut de fait un peintre flamand qui "n'a jamais mis le pied en France" et montre qu'il faut toujours se méfier des attributions lancées par les sites de vente - sauf à ce qu'elles soient fondées sur une signature, mais ici ce n'est pas le cas.
Pour en revenir à Silvestre, nous avons déjà eu à discuter des étrangetés de 3 de ses gravures ici même :
http://avignon.hautetfort.com/archive/2024/04/29/israel-silvestre-1657-6496245.html#article-comments
Merci Alain, pour le lien. J'ai loupé le billet du 3 mai 2024 ainsi que pas mal d'autres billets précédents et suivants.
Donc après la publication par Michel de trois gravures d'Israël Silvestre, il reste à vérifier la "Gezicht op Avignon" du Rijksmuseum, dont j'ai cherché en vain le n° 21 : "Le Pont d'Avignon de ville neuve St André" (sic)
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gezicht_op_Avignon,_RP-P-OB-74.123.jpg
https://www.rijksmuseum.nl/en/collection/object/Gezicht-op-Avignon--2ab4d90ccef915990c3d732c4ae9fdf7
Par ailleurs, j'en suis venue à penser que "Le passage du bac devant la ville d'Avignon" n'étant évidemment pas de Schoevaerdts, il m'apparaît de moins en moins probable qu'il soit de la main de David Teniers le Jeune.
Je me demande s'il ne serait pas plutôt d'un artiste provençal, et mes investigations ont repris dans ce sens...
.
Tilia, il est évidemment difficile de trouver sur cette moitié de gravure ce qui se trouve sur l'autre...
La gravure complète se trouve ici, sur un site qui est hautement recommandable :
https://israel.silvestre.fr/israel-silvestre/gravure-170-1/avignon
Cette gravure est la "mère" d'une quantité importante de copies sans doute illégales, dont un bon nombre est signé d'Aveline.
On y retrouve certains des défauts propres à l'artiste et listés plus hauts, touchant notamment la représentation du Palais (invention d'un portique à colonnes sous la tour de la Gâche, flèches des deux tourelles sur l'entrée devenues carrées, etc. etc.) comme de la Cathédrale, sans oublier le nord du Rocher pourvu de fortifications à la Vauban qui n'ont jamais existé. C'est dommage car le rythme des tours et tourelles des remparts est bien rendu - les plagiaires de Silvestre auront moins de scrupules !
Le pont est évidemment surprenant avec son tracé parfaitement rectiligne, mais on y retrouve l'arche de charpente qui est bien repérée à cette époque.
En fait, ce qui est le plus gênant se situe dans les légendes, dont certaines sont totalement fantaisistes.
Si l'on considère que le beffroi de l'Hôtel de ville (10) et le Collège du Roure (12) sont bien positionnés, en 11 on doit plutôt avoir St Agricol, en 15 St Martial et 17 les Dominicains. St Didier et la livrée Ceccano (collège des Jésuites) doivent se trouver dans l'axe de la tour du Collège du Roure et donc masqués par elle. De l'autre côté, en 9 probablement le clocher de la Madeleine et dans le lointain celui des Cordeliers (8). Et il est bien entendu absolument impossible d'apercevoir Augustins, Carmes ou la chapelle Notre-Dame des Sept Douleurs à partir des berges du Rhône !
Avec mes tous compliments à vous deux !
Je vais modifier ma légende de cette peinture...
C'est merveille de voir surgir de nouveaux documents iconographiques. Le dessin de la Vaticane est fort intéressant et la gouache magnifique !
Merci à Alain et Tilia !!!!
Maintenant les questions : Kécessé ces espèces de fascines rouges entre la tour que nous appellerons des Chiens et la première arche du pont ? Et le clocheton qui dépasse entre la chapelle et la tour ronde du Petit Palais ? :-)
Frédéric, les fascines se retrouvent sur d'autres vues et dessin. Probablement des protections légères et éphémères improvisées par les travailleurs du fleuve.
Pour ce qui est des "clochetons", en fait il s'agit de la toiture conique d'une des tourelles d'escalier du Petit Palais. On voit ces toitures pointues sur différents dessins non seulement de l'édifice, mais aussi de bien d'autres sites de la ville.
Au cas particulier du Petit Palais, il y avait trois grands escaliers à vis émergeant des toitures. Celui prenant ses jours sur la façade du couchant et celui desservant les niveaux de la tour de Julien de la Rovère étaient couverts de flêches coniques. Le second a disparu en 1767 avec la tour !
Bon, en prime, deux vues du Petit Palais côté ville... l'une très connue, l'autre beaucoup moins - et beaucoup moins exacte, au demeurant, une des deux toitures coniques n'est pas vraiment à sa place.
https://imagizer.imageshack.com/img923/5118/o8BJlN.jpg
Donc ce n'est pas le couronnement de l'escalier qui débouche dans la cour du Petit-palais, qui finit en tourelle simplement couronnée, c'est le sommet d'un escalier placé plus à l'ouest ?
Exactement. Cet escalier en vis tangente la façade occidentale du Petit Palais, et prend ses jours via les ouvertures circulaires que l'on y voit :
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c2/Avignon_%283221150649%29.jpg
Le cliché montre aussi la couverture conique de cette tourelle, qui est de nos jours bien moins "pointue" que ce qui se voit sur les dessins anciens.
La couverture conique actuelle de maçonnerie est le résultat des travaux de restauration des années 1960, antérieurement elle avait totalement disparu comme on le voit très nettement sur cette photo aérienne de 1953 :
https://remonterletemps.ign.fr/telecharger/?lon=4.799784&lat=43.948300&z=14&layer=pva&missionId=missions.5117583&year=1952&mission=DUR002745