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1814

  • Un 24 d'abrièu i'a eisatamen 206 an

    Un 24 avril il y a exactement 206 ans
    A april 24 exactly 206 years ago

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    In "Retour des Bourbons" reliure d'articles de 1814.

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  • Napoleone à-n-Avignoun un 25 d'abrièu

    Napoléon à-n-Avignon un 25 avril
    Napoleon in Avignon one 25 April

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    Évènement et mouvement exercé par les habitans d'Avignon, lors du passage
    de Bonaparte dans cette ville, en se rendant à l'île d'Elbe, lieu de son exil.
    25 avril 1814

    Le voyage de Bonaparte jusqu'au département de Vaucluse, n'eut rien de remarquable ; c'est à Avignon le 25 avril, que les premiers signes de fermentation, d'exaspération et de haine contenus sur toute la route, ont commencé à éclater. Le peuple était accouru en foule sur les lieux où les voitures devaient passer ; il avait fait abattre les aigles de celles qui précédaient Bonaparte, et à son arrivée, sa voiture a été entourée d'une foule nombreuse, qui, aux cris de Vive le Roi ! Vivent les Bourbons ! joignaient de violentes imprécations, des apostrophes outrageantes. Un homme s'étant approché de plus près, a voulu ouvrir la portière, d'autres s'y sont opposés, en s'écriant : Laissez le partir : Laissez-le partir. Pendant ce momens, les Commissaires français et étrangers sont descendus de leurs voitures et se sont portés vers celle de Bonaparte où ils rétablirent le calme, et le voyage continua. (.Moniteur.)

    Estampe de Tourneux lithographe éditeur 10 rue Gît-le-cœur à Paris (1821)
    d'après le dessin d'Auguste-Toussaint Lecler (1788-18..).
    Source : B.N.F. ark:/12148/btv1b6954094j

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  • Avignoun, jun 1814 - 5/5

    Avignon, juin 1814 - 5/5
    Avignon, june 1814 - 5/5

    SOUVENIRS MILITAIRES D'HYPOLITE D'ESPINCHAL

    LA FÊTE-DIEU

    Cependant, à quelques jours de là, un autre incident faillit devenir plus grave ; c'était l'octave de la Fête-Dieu, époque à laquelle le clergé d'Avignon et la population entière célèbrent cette fête avec la plus grande pompe.

    Le régiment, à pied, dans une tenue parfaite, escortait une immense et belle procession, composée de toutes les églises de la ville, des congrégations avec leurs drapeaux, des différents saints des paroisses, d'une vierge en argent portée et entourée par de jeunes filles vêtues de blanc dont les cantiques montaient au ciel ; puis, venaient les diacres, les sous-diacres et les chantres couverts de leurs chapes d'or, chantant des hymnes, auxquels succédait la musique militaire ; apparaissaient ensuite une douzaine d'enfants de chœur en soutane et calotte rouge, mêlés avec de petites vierges de dix à douze ans, encensant et jetant des fleurs en avant d'un dais d'une magnificence incroyable, sous lequel le vénérable curé de la cathédrale portait le Saint-Sacrement avec autant d'onction que de respect ; en arrière de ce dais, venait l'archevêque dans toute la splendeur de son costume, la mitre en tête, une crosse d'or à la main et suivi des premières autorités de la ville, après lesquelles venait la population sans distinction de rang, marchant avec calme et dans un profond silence.

    Tout cela inspirait de religieuses pensées, surtout en voyant cette foule s'agenouiller respectueusement et dévotement au moment où le prêtre exposait le Saint-Sacrement sur l'autel d'un élégant reposoir et donnait la bénédiction.

    Cette pieuse et sainte cérémonie était sur le point de finir, lorsque, tout à coup, la marche est suspendue, et l'on entend, dans le lointain, un bourdonnement mêlé de tumulte et de cris menaçants qui parviennent jusqu'à l'archevêque, surpris, étonné et presque effrayé, attendant avec anxiété qu'on l'instruise de cette scandaleuse interruption. Placé près du général et du préfet, j'apprends bientôt par un adjudant-major qu'en face d'un reposoir et au moment où la tête de la procession défilait, un buste en plâtre de Louis XVIII, lancé par une fenêtre, était venu se briser sur le pavé et que l'auteur de ce délit était un maréchal des logis du régiment dont une blessure à la tête s'était rouverte depuis quelques jours ce qui lui occasionnait de fréquents accès de transports. Aussitôt après avoir rendu compte au général de ce qui se passait, je me rends sur les lieux et trouve un peloton de la compagnie d'élite placé fort heureusement en avant de la procession, tenant tête à une populace en fureur qui voulait enfoncer la porte de la maison pour massacrer l'auteur de ce scandale. Pensant aussitôt qu'il serait inutile d'entreprendre de faire entendre raison à cette foule exaspérée qui grossissait à chaque instant, j'affecte la plus grande colère et, m'adressant à la troupe « Chasseurs, dis-je, emparez-vous de ce misérable et qu'on le conduise au cachot ou qu'on l'y transporte s'il est malade, afin que la justice ait son cours et qu'il subisse la punition de son crime. Bravo ! disait le peuple, il sera fusillé et il l'aura bien gagné ! En effet, enveloppé dans une couverture, placé sur un matelas, ce malheureux sortit au milieu des vociférations du peuple qui hurlait « À mort, le renégat ! » Mais, entouré et défendu par les chasseurs, il échappa à leur vengeance et fut transporté à l'hôpital.

    Tout cela se passa en moins d'un quart d'heure et la procession, reprenant sa marche, se termina tranquillement.

    L'avant-veille de notre départ, la municipalité, voulant donner au régiment des marques de satisfaction sur la discipline et la bonne conduite qu'il avait tenues, témoigna le désir de le lui exprimer d'une manière authentique ; à cet effet, une grande manœuvre eut lieu dans une vaste plaine non loin de la ville où se transporta une partie de la population d'Avignon.

    Des pièces de vin y furent portées et la santé du Roi bue aux acclamations générales de cette même population qui, à notre arrivée, aurait voulu pouvoir nous jeter tous dans le Rhône. Ainsi est faite partout cette masse de fainéants, de mauvais sujets, d'ouvriers inactifs, lâches, stupides, incapables de se mouvoir sans impulsion et à qui l'idée de se révolter ne viendrait jamais, si des hommes d'énergie, aux mauvaises passions, ne faisaient entrevoir, dans l'anarchie, le vol, le pillage et le rapt.

    Le soir de notre manœuvre, l'ébullition populaire s'étant maintenue en faveur des chasseurs et, ne trouvant aucun inconvénient à les laisser jouir du dernier enivrement de cette ville que nous devions quitter le lendemain, il y eut, sur la grande place et dans les faubourgs, des danses et des farandoles échevelées qui durèrent une partie de la nuit, au milieu d'une joie aussi effrayante qu'une émeute. ♦

    In "Souvenirs militaires" d'Hippolyte d'Espinchal 1792-1814
    publiés par Frédéric Masson et François Boyer - Paris - 1901
    Société d'Édition Littéraires et Artistiques - Librairie Paul Ollendorff

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  • Avignoun, jun 1814 - 4/5

    Avignon, juin 1814 - 4/5
    Avignon, june 1814 - 4/5

    SOUVENIRS MILITAIRES D'HYPOLITE D'ESPINCHAL

    LE PEUPLE SOUVERAIN D'AVIGNON - LES ÉMEUTES À AVIGNON

    Les trois semaines que nous passâmes à Avignon furent plus que suffisantes pour nous attirer les sympathies des habitants au point que, lorsque l'ordre de notre départ arriva, les autorités de la ville voulaient demander au ministre de la Guerre de nous garder ; mais elles en furent détournées par le général Mermet qui déjà avait écrit vainement à cet effet ; mais, ce qui prouva du moins que nous avions rempli nos engagements et qu'en alliant la justice et la fermeté, on parvient à calmer le peuple le plus revêche.

    C'est ici l'occasion, avant de quitter cette ville, de rappeler quelques faits dont plusieurs journaux entretinrent leurs lecteurs et qui servent à prouver l'inconstance des hommes en matière politique, ainsi qu'on doit attendre d'une révolution quelconque.

    Huit jours s'étaient écoulés depuis notre arrivée à Avignon sans qu'aucune rixe ni la moindre plainte eussent mérité le blâme des autorités, l'accord le plus parfait régnait entre nous et les habitants et rien n'annonçait qu'il dût être troublé, lorsqu'un jour, je reçus une lettre anonyme, s'exprimant dans les termes les plus honnêtes, m'annonçant, pour le lendemain, la visite de quelques malotrus dont les intentions semblaient hostiles et m'engageant à me tenir sur mes gardes ; les expressions de cette missive avaient un caractère de telle vérité qu'il me fut facile de comprendre pourquoi elle n'était pas signée, et ne doutant pas de la véracité de son contenu, je pris mes dispositions en conséquence ; en effet, sur les neuf heures du matin, moment assez mal choisi par les visiteurs puisque c'était celui du rapport où les officiers devaient se présenter chez moi, on me prévint que trois individus assez mal vêtus désiraient me parler ; je fis aussitôt placer les officiers dans une chambre attenante à celle où j'étais, ne gardant près de moi que l'adjudant sous-officier et ordonnai de faire entrer les trois personnages en question ; parmi eux se trouvait ce même homme qui, lors de notre arrivée en ville, m'avait si impertinemment frappé sur le genou en me faisant part de ses désirs ; j'avais eu, depuis, des renseignements sur cet homme abominable qui, en 93, avait été un des principaux acteurs des horribles massacres de la Glacière à Avignon et était devenu un atroce démagogue royaliste, tout prêt à commettre de nouveaux crimes.

    Lorsqu'on introduisit ces trois individus à la figure ignoble et sinistre, j'étais assis le dos tourné à la muraille, ayant devant moi une grande table en forme de bureau sur laquelle se trouvaient quantité de papiers et un pistolet ; j'en tenais un autre entre mes mains, et j'y introduisais la baguette comme ayant l'air de vouloir m'assurer qu'il était bien chargé ; debout, et à ma gauche, était l'adjudant. « Que voulez-vous, dis-je à ces trois hommes sales, débraillés et insolents dans leurs manières ? Monsieur, me dit celui de ma connaissance, nous avons appris que vous étiez noble et qu'on vous appelait comte, et nous venons au nom de la population vous témoigner la surprise où nous sommes que vous n'ayiez point encore fait, ainsi que votre régiment, des démonstrations royalistes franches et énergiques, vous invitant à y adhérer sur-le-champ, si vous voulez éviter les désagréments qui pourraient arriver dans le cas contraire. »

    Ces insolentes paroles, l'air ignoble de ces trois porte-faix sentant l'eau-de-vie et le tabac, m'inspirèrent un tel dégoût et un mépris si profond que, reprenant aussitôt mon sang-froid prêt à m'échapper, je fis un signe à l'adjudant qui fit à l'instant rentrer les officiers qui étaient dans la chambre à côté.

    « Messieurs, leur dis-je, je vous présente cette honorable députation se disant la voix du peuple d'Avignon, parmi laquelle vous distinguerez (en désignant du doigt) le sieur Tristany, de sinistre mémoire, qui vient nous donner des conseils un peu brusques sur la conduite que nous avons à tenir ici, si nous voulons mériter la bienveillance des habitants. Mais, comme j'ai l'assurance que vous pensez comme moi à cet égard et qu'il n'appartient qu'à notre général de nous donner des ordres, je vais prier ces messieurs de vouloir bien attendre la réponse qui nous sera faite à ce sujet. » Et, sur un autre signe à l'adjudant, celui-ci sortit et revint aussitôt accompagné d'un maréchal des logis et huit chasseurs de la compagnie d'élite, invitant la susdite députation à les suivre à leur poste ; ces misérables, stupéfaits d'abord et comme atterrés, reprirent bientôt leur insolence et proférèrent des menaces qui se perdirent dans le lointain lorsque les chasseurs les emmenèrent. Je me rendis aussitôt près du général qui me conduisit chez le préfet, lesquels approuvèrent ma conduite et ce dernier, en faisant venir mes prisonniers, les remit entre les mains du procureur du roi.

    La ville fut bientôt instruite de cet événement, et, le soir, nos chasseurs dansaient des farandoles avec les femmes et les filles de ce même peuple qui riait de la mésaventure de ses prétendus députés.

    À suivre...

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  • Avignoun, jun 1814 - 3/5

    Avignon, juin 1814 - 3/5
    Avignon, june 1814 - 3/5

    SOUVENIRS MILITAIRES D'HYPOLITE D'ESPINCHAL

    ACCIDENT ET HEUREUSE RENCONTRE

    « Je chevauchais, suivi de mon ordonnance, en rêvant sur les phénomènes de la nature que je venais d'admirer, lorsqu'au tournant d'un chemin, un maladroit chasseur, tirant un lièvre, envoya une partie de la décharge de son fusil dans l'épaule de mon cheval qui, effrayé de cette subite détonation et vivement aiguillonné par les plombs, fit un soubresaut épouvantable et m'emporta à travers champs malgré tous mes efforts pour le retenir. Pour en finir de cette course échevelée, avisant une haie épaisse et haute de cinq à six pieds, je le dirige dessus ; mais, loin de s'arrêter devant cet obstacle, il le franchit, et nous tombons tous deux dans un fossé large et profond au milieu d'une flaque d'eau bourbeuse, lui tout sanglant et moi fortement contusionné, gisant à côté l'un de l'autre, sans prévoir comment finirait cette triste aventure, mon ordonnance n'ayant pu me suivre que de très loin cependant la Providence me réservait un secours inespéré qui devait me dédommager amplement de tant d'infortune.

    « Une calèche, qui suivait une route peu éloignée de cet événement, s'arrêta, peut-être par curiosité autant que par désir de se rendre utile, car, au moment où mon lancier arrivait près de moi, un domestique en livrée s'approcha pour m'offrir, au nom de ses maîtres, secours et assistances. Lorsqu'on me releva, j'étais comme un de ces ivrognes. venant d'avoir une querelle au cabaret j'avais les membres rompus, mon schako défoncé, mon habit souillé de boue, mon pantalon déchiré d'une manière fort inconvenante; enfin, j'offrais un spectacle vraiment digne de pitié et des plus ridicules ; mais, ce qui m'inquiétait bien davantage, c'était mon pauvre cheval, sur lequel je redoutais d'apprendre une triste vérité, lui si brillant, si beau, si fier et si vif ; il venait de se relever tremblant de tous ses membres, paraissant souffrir et honteux de sa saleté repoussante cependant mon ordonnance, après l'avoir sorti du fossé et fait marcher quelques pas, me rassura complètement bien qu'il saignât toujours par la quantité des plombs entrés dans les chairs.

    « Dans ce même moment, arriva la calèche hospitalière dans laquelle se trouvait une jeune femme d'une grande beauté, mise avec une recherche incontestable, ayant près d'elle un homme d'un certain âge, d'une figure on ne peut plus distinguée, dont l'habit, paré du côté gauche d'une croix blanche, indiquait qu'il était commandeur de l'ordre de Malte. Ces deux personnes descendirent aussitôt de voiture avec un empressement rempli de bienveillance en se rappelant, malgré mon piteux état, m'avoir vu à la tête du régiment qui était à Avignon et me pressèrent avec tant d'instances de monter dans leur voiture, malgré ma résistance causée par ma malpropreté et mon débraillement, qu'il me fallut céder.

    « Nous nous mîmes en marche, tandis que mon ordonnance allait en ville pour me chercher des vêtements et prévenir le chirurgien-major de mon accident. Au bout d'une heure, une belle avenue de peupliers nous conduisit près du péristyle d'une charmante habitation dans laquelle je reçus les soins les plus empressés.

    « Placé dans un lit doux et moelleux, après m'être frictionné avec des spiritueux, je ne tardai point à éprouver un grand soulagement à mes douleurs que le docteur, en arrivant, paralysa complètement par une forte saignée et l'assurance qu'en peu de jours il n'y paraîtrait plus. Cependant, le lendemain, dans la journée, je voulais absolument partir, craignant ma présence indiscrète, mais, cette fois encore, il me fallut accéder aux vives sollicitations de la belle châtelaine et de son oncle le commandeur qui déclarèrent ne vouloir me rendre ma liberté que lorsque je serais entièrement rétabli.

    « Sept jours se passèrent sous ce toit hospitalier dont cinq, tout à fait rendu à mon état normal, furent employés à exprimer non seulement ma reconnaissance, mais aussi mon admiration et les sentiments que m'inspirait la belle comtesse de Se... veuve depuis trois ans. Nos journées se passaient en promenades pendant lesquelles le bon commandeur de Cadillonce me racontait ses caravanes, ses combats maritimes et ses misères pendant l'émigration.

    Le soir, en faisant sa partie de tric-trac, mes continuelles distractions occasionnaient des écoles dont il était charmé ; aussi, lorsque dix heures l'appelaient au sommeil, il se retirait on ne peut plus satisfait de m'avoir battu alors, commençait un tête-à-tête dont je savourais tout le charme avec bonheur ; la première fois, la musique et le chant en firent presque tous les frais, la comtesse ayant un talent remarquable et une voix admirable dont elle voulut bien me faire jouir ; puis, vinrent les conversations intimes, un abandon rempli de charme, un aveu faiblement repoussé ; enfin, la circonstance, la solitude, le laisser-aller de deux êtres impressionnable toujours près l'un de l'autre, au milieu d'une nuit calme et tranquille, venant à mon aide, je triomphai de cette adorable femme qui s'aperçut trop tard de son imprudente confiance et unit, après avoir versé bien des larmes, par partager mes transports enivrants...

    « Mais tu dois savoir, cher Henri, que rien n'est plus commun que de voir succéder des revers à un grand bonheur, comme un enseignement certain que tout ce qui se passe dans ce bas monde est bien éphémère aussi, l'homme qui veut jouir de la vie ne doit-il jamais laisser échapper les occasions heureuses qui se présentent devant lui ; ce principe, qui a toujours été le fond de ma pensée et la cause de mes actions, vient de se faire sentir en cette circonstance d'une manière incontestable, car j'ai reçu subitement l'ordre de quitter Avignon avec le régiment pour aller tenir garnison à Montpellier. Il a donc fallu me séparer de cette femme adorable, emportant dans mon cœur un souvenir ineffaçable et des regrets incessants d'un bonheur de si courte durée, nous promettant comme consolation de nous écrire souvent et de nous revoir peut-être.

    « Adieu, cher ami, je te quitte pour donner le reste de mon temps à mes devoirs militaires et sous peu je t'informerai, j'espère, du sort qui nous est réservé, car, jusqu'à présent, rien ne transpire ; aussi sommes-nous entre la crainte et l'espérance.»

    À suivre...

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  • Avignoun, jun 1814 - 2/5

    Avignon, juin 1814 - 2/5
    Avignon, june 1814 - 2/5

    SOUVENIRS MILITAIRES D'HYPOLITE D'ESPINCHAL

    SÉJOUR À AVIGNON

    À mon frère.
    Avignon, 10 juin.

    « Me voilà donc arrivé, cher ami, après une marche de quarante-deux jours, pour prendre un premier repos dont je ne puis encore apprécier la durée et sans prévoir le sort qui m'est réservé, non plus qu'à mes braves compagnons d'armes, les bruits les plus contradictoires circulant à cet égard mais une chose qui me semble probable, c'est ma carrière brisée, ayant à lutter contre les obstacles, des contrariétés sans nombre et la foule d'intrigants assiégeant le pouvoir et obtenant tout par la persévérance de leurs poursuites ou au moyen de la corruption de l'or. Ce système, qui paraît être celui du jour, d'après tout ce qui se passe à Paris depuis ce qu'on appelle la Restauration, n'est nullement rassurant ; aussi, ai-je la conviction de n'y pas faire fortune avec mon caractère ; cependant je tiendrai tant que je pourrai, sans intrigue, sans bassesse, en suivant la ligne de mes devoirs et confiant dans mes droits ; il est vrai que c'est un métier de dupe, mais j'aurai du moins la conscience tranquille, ce qui n'est pas sans quelque consolation.

    « Quant à toi, pauvre financier déchu, peut-être te rendra-t-on une autre recette générale en échange de la belle qu'il t'a fallu quitter ; mais, au moins, dans le cas contraire, on sera, je pense, tenu de te rembourser 500 000 francs versés dans les caisses de l'État comme cautionnement et, avec cette fiche de consolation, on peut facilement se tirer d'affaire ; dans tous les cas, j'attends impatiemment de tes nouvelles pour savoir quels sont tes projets. Le séjour d'Avignon, qui, dans un temps calme, eût été fort agréable, est en ce moment fort triste, cette ville étant en proie aux passions, aux ambitions et à la crainte ; une partie du peuple et plusieurs des premières familles du pays ont la funeste pensée de retourner sous l'autorité du Saint-Siège ; cette espérance, bien que dérisoire, se fonde sur la réclamation que le Pape vient d'adresser aux puissances, prétendant que, dans le moment où les princes de l'Europe rentrent dans les États que la force leur avait enlevés, il serait de toute justice que le Comtat Venaissin redevint tributaire de la tiare, comme avant la révolution de 92. Je ne sais jusqu'à quel point on fera droit à une semblable prétention, mais, en attendant, Louis XVIII ne paraît guère disposé à abandonner un des fleurons de sa couronne, dût-il encourir les foudres du Vatican.

    FONTAINE DE VAUCLUSE

    « Depuis mon arrivée ici, n'ayant rien de mieux à faire que de me distraire, en attendant notre départ pour Montpellier dont j'ai reçu l'avis du ministère de la Guerre, j'ai voulu faire un pèlerinage dans ces lieux illustrés par les vers de Pétrarque et je vais te retracer mes impressions et les détails que j'ai obtenus sur cette fontaine merveilleuse.

    « La fontaine de Vaucluse, située à quatre lieues d'Avignon et à une demie du village de ce nom, est sans contredit une des plus belles et extraordinaires sources qui existent peut-être au monde. Placée dans des blocs de rochers énormes au milieu desquels se découvre une grotte immense où dort une eau transparente et silencieuse, quand les eaux de la source sont très basses, ce qui arrive ordinairement au mois d'octobre ; il s'en faut alors de plus de 60 pieds que l'eau parvienne au bord du bassin de la source et l'on peut, en prenant de grandes précautions, descendre jusqu'à la surface de l'eau qui est aussi unie qu'une glace, sans aucune espèce de mouvement et d'une profondeur incalculable. Tous les efforts faits jusqu'à ce jour pour sonder cet abîme sont restés infructueux.

    « C'est l'époque où l'on peut visiter la fontaine de Vaucluse, parce qu'il est facile d'approcher de la caverne et de parcourir sans danger le lit naissant de la rivière mais, lorsque je la visitai, la fonte des neiges ayant donné toute sa force à la source, elle versait ses eaux par-dessus les bords de la caverne dont elle cachait et surmontait de beaucoup l'ouverture. Un figuier poussé dans les veines dû rocher, plusieurs pieds au-dessus, est, dit-on, la marque de sa plus grande élévation.

    « L'onde se soulevait du gouffre sans fond, montant sans laisser apercevoir d'abord ses mouvements ; mais, ne pouvant pas se contenir dans la grotte, les flots se précipitaient avec fureur contre les blocs entassés qui semblaient s'opposer à leur passage cette lutte produisait un fracas horrible, une longue suite de cascades, une mer d'écume, un bruyant tumulte que l'écho des montagnes redoublait et faisait retentir au loin.

    « Il est difficile de rendre l'effet produit par un coup d'œil aussi majestueux, dont la nature fait tous les frais avec une prodigalité qui tient du sublime et une incommensurable magnificence.

    « Il ne reste, mon ami, après tant de merveilles, qu'à courber le front dans la poussière, pour adorer Celui qui en est le dépositaire après en avoir été le créateur.

    « Ce fut en revenant de cette course intéressante qu'un incident, qui pouvait être des plus fâcheux, devint la source d'un bonheur ineffable, dont malheureusement il ne me restera bientôt plus que le souvenir.

    À suivre...

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  • Avignoun, jun 1814 - 1/5

    Avignon, juin 1814 - 1/5
    Avignon, june 1814 - 1/5

    SOUVENIRS MILITAIRES D'HYPOLITE D'ESPINCHAL

    GARNISON D'AVIGNON

    Une lettre peu rassurante du général Mermet m'arrivant dans la soirée m'annonçait l'exaspération du peuple de cette ville contre les troupes ; des rixes sanglantes avaient eu lieu au passage de plusieurs régiments d'infanterie et ces mêmes hommes qui, en 1792, s'étaient souillés de tant de crimes au nom de la république, devenaient en ce moment de frénétiques royalistes envisageant les troupes comme le soutien du despotisme de Napoléon. Le général me donnait l'avis que, bien certainement, cette masse turbulente viendrait au-devant du régiment pour en exiger une profession de foi royaliste, ainsi qu'elle avait voulu le faire aux troupes qui nous avaient précédé ; il m'engageait à agir avec calme, prudence, mais fermeté, et à conserver la dignité qui appartenait au régiment que j'avais l'honneur de commander, me prévenant en même temps que le corps municipal, composé d'hommes sages et prudents, enverrait quelques-uns de ses membres aux portes de la ville pour nous recevoir, désirant qu'en refusant d'accéder aux exigences des perturbateurs, j'y mette le plus de modération possible et surtout j'évite toute voie de fait, la ville étant sur un volcan. Faisant aussitôt venir les capitaines, je leur fis prendre connaissance de la lettre du général afin qu'ils n'ignorassent point la position dans laquelle nous allions nous trouver, tant pour entrer dans cette ville turbulente que pour y tenir garnison. Je prescrivis dans ce premier cas de maintenir le silence le plus absolu, d'exiger des chasseurs beaucoup de réserve dans leurs logements, et qu'ils ne se présentassent jamais aux appels et aux distributions que le sabre au côté mais surtout d'éviter toute rixe avec le peuple, sans toutefois supporter une insulte.

    Dans l'après-midi, un détachement de cinquante chasseurs, sous les ordres d'un capitaine, partit avec les sous-officiers de logement pour établir nos quartiers. Le régiment, dans une tenue parfaite, se mit en marche le 2 juin, dès quatre heures du matin, avec beaucoup moins de satisfaction que s'il eût été question d'aller attaquer une redoute ennemie. Vers les huit heures, peu après avoir passé la Durance sur un pont superbe, nous rencontrâmes le 1er Hussards, nos braves compagnons d'armes de l'Armée d'Italie, se rendant à Arles, prévenus comme nous sur les embarras qui les attendaient dans cette ville.

    Les deux régiments firent une halte d'une heure et demie, où de nombreuses rasades furent bues au souvenir du passé et à l'espérance de l'avenir ; nous séparant ensuite avec les marques d'une affection cimentée sur les champs de bataille et serrant la main au colonel Clary, mon ancien camarade, nous nous souhaitâmes mutuellement bonne chance. Vers midi nous arrivâmes, en colonne par pelotons, le long d'un quai magnifique bordant le Rhône, en présence d'une immense population précédée par quatre membres du conseil municipal qui nous témoignèrent, au nom de la ville, la satisfaction qu'elle éprouvait de recevoir dans ses murs un régiment dont la réputation était aussi brillante, espérant que la concorde et l'union la plus parfaite régneraient entre nous et les habitants.

    J'allais répondre à cette honorable réception lorsqu'un homme, de haute taille, à la figure rude, expressive et féroce, suivi d'une douzaine de coupe-jarrets, m'adressant la parole d'une manière assez brusque et presque menaçante « Monsieur le colonel, me dit-il, nous exigeons, avant d'entrer en ville, que votre régiment fasse entendre le cri de Vive le Roi ! À bas le tyran Bonaparte ! alors, nous l'accueillerons en frères. Oui ! oui ! criez Vive le Roi ! vociférait la populace en s'agitant comme des flots tumultueux ; Chasseurs, criez Vive le roi ! Mort à Bonaparte répétaient les hommes, les femmes et les enfants avec des hurlements menaçants, sinon nous vous chassons de la ville. » Mais les chasseurs impassibles, le sabre à l'épaule, répondaient par un silence énergique ; alors, faisant avec mon sabre un geste qui indiquait l'intention de parler, cette masse suspendit ses cris féroces pour entendre ce que j'allais dire.

    « Messieurs les magistrats, dis-je, en m'adressant aux membres du Conseil municipal, soyez bien convaincus que le 31e régiment de Chasseurs se rendra digne du bon accueil que vous voulez bien lui faire ; en venant dans votre ville, il espère y faire des amis et sympathiser avec les habitants ; son dévouement pour le souverain qui nous gouverne sera sans bornes comme il l'a été pour celui qui nous conduisait à la victoire ; nos règlements militaires ne nous permettent de proférer aucun cri, mais veuillez croire que nos cœurs et nos bras seront tout dévoués au Roi de qui nous attendons le bonheur de la France. »

    Aussitôt après cette réponse, j'ordonnai à l'avant-garde d'entrer en ville et nous suivîmes ce mouvement au bruit de nos fanfares et aux cris de Vive le Roi ! Vive le 31e Chasseurs ! poussés par le peuple que nous refoulions devant nous en évitant de lui faire aucun mal et sans qu'il mit aucun obstacle à notre marche ; l'attitude calme, sévère et martiale des chasseurs ayant produit l'effet de la crainte et du respect.

    Aussitôt les quartiers distribués, les officiers furent rendre une visite de corps au général Mermet qui nous conduisit chez M. Rouen, le préfet, que je connaissais particulièrement : il savait déjà tout ce qui s'était passé, il m'en témoigna sa satisfaction aussi bien que le maire chez lequel nous fûmes ensuite.

    Plusieurs postes furent établis, des patrouilles ordonnées pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité et tout se passa beaucoup mieux que nous n'avions lieu d'espérer ; cependant, le soir, des vociférations épouvantables se firent entendre dans les rues par plusieurs bandes de gens sans aveu criant les uns Vive le Roi les autres Vive le Pape provenant de deux partis existant alors dans la ville, dont l'un voulait le rétablissement de la souveraineté papale ; des rixes, des combats avaient eu lieu à cet égard depuis plusieurs jours et, la nuit de notre arrivée, ces excès se renouvelèrent sans que les chasseurs y prissent la moindre part, la garde nationale s'étant chargée de la police et pensant que notre intervention pouvait devenir nuisible cependant, par mesure de sûreté, les chasseurs reçurent l'ordre de se tenir prêts à tout événement

    Le lendemain, tous mes hommes circulaient dans la ville aussi tranquillement que si nous y fussions depuis six mois et l'accord le plus parfait s'établit entre nous et les habitants d'une manière si intime que, presque tous les soirs, nos chasseurs dansaient des farandoles avec les jeunes filles du peuple, usage fort habituel dans ce pays où les passions de tout genre sont assez vives.

    À suivre...

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