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massacres

  • Li croutoun dóu palais

    Les basses-fosses du palais
    The Palace dungeons
    Die Palastkerker

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    Trémie dans le plancher et descente dans les basses fosses.
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    1,80 x 4 m de long sans lumière extérieure ni contact.
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    Là furent jetées les victimes du massacre de la Glacière.

    Photos Patrick de Michèle 2023. Merci !

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  • Un 5 de desèmbre 1791

    Un 5 décembre 1791
    On a december 5, 1791

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    Office mortuaire pour les massacrés de la Glacière à Notre-Dame-des-Doms.
    Gravure de 1791. BNF inv. A 11.604.

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  • Un sèr dóu 16 d'óutobre 1791

    Un soir du 16 octobre 1791
    One evening of october 16, 1791

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    Lithographie Magny et Petit, Avignon (1844).

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  • Evenimen revouluciounàri dóu 29 de mars 1789 au 17 de nouvèmbre 1791

    Événements révolutionnaires du 29 mars 1789 au 17 novembre 1791
    Revolutionary events from march 29, 1789 to november 17, 1791

    Analyse des événements révolutionnaires qui se sont passés dans la ville d'Avignon et une partie du Comtat Venaissin depuis le 29 mars 1789 jusqu'au 17 novembre 1791. Club des Jacobins

    1529908747.png  Les heureux habitants d'Avignon et du Comtat venaissin jouissaient paisiblement du bonheur d'être régis par le plus paternel des gouvernements, lorsque les démêlés survenus entre la cour de France et celle de Rome au sujet du royaume de Naples et de l'abolition de la société des Jésuites furent cause de l'occupation de ce pays. Cette possession momentanée(1) vint troubler l'harmonie qui régnait entre les citoyens de cette ville et procura deux classes d'hommes presque tous étrangers la plupart flétris dans l'opinion publique, n'ayant d'autres propriétés que leurs talons et leur industrie, et qui ne perdirent jamais de vue le projet de se soustraire à la domination du souverain pontife et de réunir ces deux provinces à la France.
      Les premiers, en partie gens d'affaires ou procureurs, déclamaient sans cesse contre la justice pontificale, parce qu'ils avaient appris par une expérience lucrative de quelques années que celle de France était infiniment plus avantageuse pour eux que dans les tribunaux romains.
      Les seconds parmi lesquels étaient des négociants, des fabricants, des agioteurs ou des banqueroutiers ne voyaient dans les barrières qui séparaient les états du pape des provinces françaises que des entraves, qui, en gênant leurs spéculations bornaient leur expedienti. De là se formèrent les deux parties connues sous le nom de papiste et royaliste qui divisèrent les citoyens.
      Les novateurs manifestèrent hautement leurs opinions et entretenaient la division dans une ville où la fidélité et l'attachement au meilleur des souverains s'était conservé pendant quatre siècles, sans que les révolutions qui avaient eu lieu à diverses époques en eussent altéré les sentiments. À l'époque de la révolution française, cinq des anciens chefs du parti royaliste existaient encore,, les autres avaient terminé leur carrière. Ces chefs étaient les avocats Palun et Monery, Astier procureur natif de St-Rémy, Richard fabricant de taffetas et Audiffret aîné négociant, élevé par son père dans les principes de ce poste, dont il devint un des plus furieux prosélytes.
      Ces factieux guidés par leur intérêt particulier, ne tarderont pas à se lier avec l'avocat Bouche, député de la ville d'Aix aux états généraux, ridicule braillard de cette assemblée, comme de celle connue sous le nom des Jacobins(2) qui leur procura bientôt des amis puissants dans le parti révolutionnaire.
      La dureté de l'hiver 1789 et la misère qu'il occasionna favorisèrent les vues des Jacobins pour faire révolter la populace d'Avignon, par le moyen d'un de leurs émissaires envoyé par ce club infernal dans les principales villes du royaume pour se faire des partisans, ameuter les peuples et propager leur doctrine impie et régicide. Celui qui vint à Avignon fut aussitôt initié dans les conciliabules de nos royalistes, qui n'osèrent pour le moment lever le masque et laissèrent agir l'inconnu auprès de la canaille qui, moyennant quelques écus semés à quelques femmes du peuple, fit commencer l'insurrection(3). Le 28 mars 1789, ce même peuple (malgré les sollicitudes et les soins de monseigneur le vice-légat et MM. les consuls se donnaient depuis le commencement de l'hiver pour lui procurer la subsistance, soit par des corvées(4), soit par les secours donnés aux indigents qui ne pouvaient travailler) coupa les arbres qui bordaient les grands chemins, dont le produit était au bénéfice de l'hôpital, enleva les armes de la ville placées sur la porte du second consul et pilla non seulement les pains qui se trouvaient dans les magasins des marchands et que les consuls avaient acheté pour la subsistance, mais encore ceux des provisions de divers particuliers ou des corps religieux.
      Cette canaille sans chefs connus et qui n'agissait que par une impulsion étrangère, fut bientôt dissipée par les soins de M. le duc de Crillon-Mahon qui se trouvait casuellement dans cette ville. Un portefaix qui avait enlevé les armes du second consul et une femme du peuple qui l'avait insulté furent arrêtés. La punition qu'on leur infligea n'était pas faite pour intimider les révoltés. On savait que le portefaix, accusé de plusieurs crimes, méritait la mort. On trouva qu'on lui avait fait une faveur en ne le condamnant qu'aux galères. La femme fut fouettée par la main du bourreau.
      Ces exemples n'empêchèrent pas que les cabarets ne fussent fréquentés plus que jamais par des paysans et ouvriers de tout état, qu'on y parla librement sur les affaires du temps et que certains de ces individus ne dépensassent plus que ce que leurs moyens pouvaient leur permettre. Des journaux et des écrits que l'on commençait à développer le germe de la révolte couraient les boutiques des ouvrier et surtout les cabarets. Le gouvernement négligea de surveiller ces endroits publics, sans doute qu'il aurait découvert les ressorts qui faisaient agir les machines.
      Au commencement du mois de juin, quatre paysans courant la ville en chaise à porteurs, contrefirent les consuls. On les saisit dans la nuit et les condamna quelques jours après à faire amende honorable et s'excuser aux consuls à la porte de la maison de ville.
      La douceur du gouvernement réveilla dans l'esprit des anciens chefs du parti des royalistes leurs projets de réunion d'Avignon et du Comtat à la France. Il y eut des comités secrets chez Audiffret où se rendaient Palun, Richard, Monery, Astier de St-Rémy, Mende, Peyre, Tournal, Duprat cadet, Minvielle frères, Aubry, Tissot et Lescuyer. Là se fabriquèrent tous les complots de séditions et ces doléances insolentes qu'ils firent présenter par des députés d'un ramassis d'ouvriers de tous les états (la plupart étrangers) sous le nom de corporation auxquels on avait persuadé qu'un changement de gouvernement devait les enrichir.
      C'est à cette époque fatale que l'on doit fixer l'origine des malheurs de la ville d'Avignon, la formation des assemblées populaires où les factieux ne mirent plus de bornes à leurs révoltantes motions et forcèrent tous les pouvoirs par leurs arrêtés anarchiques, en ameutant la populace, tantôt contre les consuls, tantôt contre le gouvernement.
      Il se forma alors une milice bourgeoise dans laquelle la saine partie des citoyens crut devoir s'enrôler, commandée dans le principe par des personnes dignes de la confiance publique, mais devant subir tous les trois mois le renouvellement de l'état-major et des officiers de toutes les compagnies. On ne vit bientôt plus à la tête qu'une foule d'individus que l'opinion publique avait condamnés à l'oubli ou au mépris. La défection devint alors à-peu-près générale dans plusieurs compagnies. Les chefs des factieux firent des nouvelles recrues des gens sans aveu, vrais sans-culottes, qui se trouvèrent la force en mains, devinrent plus hardis à exécuter les ordres de la faction.
      Dès lors, le vice-légat et les consuls n'eurent qu'une autorité chancelante, la subordination et la discipline étant nulles, les pouvoirs méprisés ou avilis. La licence seule se fit obéir, par les menaces, la crainte et la terreur. Les factieux s'emparèrent de trois portes de la ville le 4 septembre 1789, mais ils en furent bientôt débusqués.
      Ce qui amena l'abolition du consulat, l'expulsion de l'avocat général, l'élection de la nouvelle municipalité, le rejet du bref du pape, l'affaire du mannequin, la malheureuse journée du 11 juin 1790 où les factieux firent pendre M. de Rochegude, le marquis d'Aulan, M. l'abbé Offray, bénéficier à la métropole et le sieur Aubert du tiers-état, l'expulsion du vice-légat, les massacres et le pillage de Cavaillon, de Sarrians et le siège de Carpentras, la réunion d'Avignon et du Comtat venaissin à la France, l'émeute du 21 août 1791 et l'emprisonnement d'une partie de la municipalité, enfin le massacre de la Glacière les 16 et 17 octobre suivants.
      Le siège de Carpentras, mémorable par tous les crimes qui s'y commirent, où tous les brigands sortis des galères, les déserteurs, les patriotes du Comtat, de la Provence et des Cévennes vinrent se réunir à la troupe avignonnaise, c'est ce siège disons-nous, fut la pomme de discorde qui divisa les factieux en deux parties, désignées dans les noms de Brigands de Monteux et de patriotes modérés. Nous allons expliquer les motifs.
      La municipalité persuadée que l'armée avignonnaise n'aurait qu'à se présenter devant Carpentras pour l'emporter de vive force, n'avait fourni que la quantité de munitions de guerre et de bouche nécessaire pour quelques jours. Elle se flattait d'ailleurs que le pillage des villages circonvoisins suffirait pour l'entretien de cette troupe. Celui de Sarrians avait fourni à ces brigands de l'argent, du linge et autres effets précieux, mais ils s'approprièrent leurs vols et les firent transporter de suite chez eux, sans en faire part à la Caisse militaire. Les provisions de bouche furent dévorées aussitôt qu'enlevées. L'armée, réunie à Monteux où l'on établit le camp, enleva dans peu de jours les provisions qui lui restaient. Toutes les campagnes furent aussitôt mises à contribution de même que les villages des environs. Mais cette troupe ne connaissant aucune discipline consomma dans un jour ce qui aurait pu la nourrir dans une semaine.
      Bientôt l'armée se trouva à la veille de manque de subsistances et de munitions de guerre. Les chefs de l'armée donnèrent ordre à la municipalité de leur les fournir. Elle eut aucun égard à leur demande, au contraire. Elle répondit que, puisque les Carpentrassiens faisaient tant de résistance, il valait mieux lever le siège plutôt que d'exposer la troupe à mourir de faim, ou périr par le fer des ennemis. Ces avis furent reçus avec indignation, ce que joint aux griefs qu'on avait contre le maire de ce qu'il n'avait pas voulu qu'on promenât par la ville la tête de Patrice, rendit la troupe des brigands et les généraux furieux contre la municipalité dont ils jurèrent de tirer une vengeance éclatante.
      Dans cet intervalle, des commissaires envoyés au nom du Roi vinrent(5) faire mettre bas les armes aux Comtadins. L'armée décampa et se rendit aussitôt à Avignon, n'emportant que la honte et la rage d'avoir échoué dans leurs sinistres projets contre la ville de Carpentras, dont le pillage était leur unique espérance et sur lequel les chefs de l'armée fondaient leur principale ressource pour fournir à l'entretien de ces étrangers qui n'étaient venus grossir l'armée des Avignonnais que dans l'espoir de retourner chez eux chargés de butin. Cette troupe de bandits répandus dans la ville y causa de fréquentes alarmes en raison de ce qu'ils ne retiraient pas les 40 sols de prêt qu'on leur avait promis. La municipalité ne pouvant avancer une si forte somme, se trouvait continuellement en butte aux propos et aux menaces de cette soldatesque. Elle consulta les commissaires médiateurs qui réduisirent le prêt à 15 sols par jour, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale. Cette décision ne satisfit pas les soldats et les chefs, en profitant de leur mécontentement, leur firent sentir que la municipalité était seule la cause de ce qu'ils n'étaient pas payés conformément à ce qu'ils leur avaient promis. Les chefs, liés d'opinion avec les commissaires, étaient sûrs d'être soutenus dans tout ce qu'ils pourraient entreprendre contre leurs adversaires. Enfin, les choses parvinrent à un si haut point de division qu'on s'attendait tous les jours à une guerre ouverte entre les deux partis dont un, celui de la municipalité, devait échouer. Et c'est ce qui arriva le 21 août dans l'insurrection qui eut lieu, où quatre municipaux et plusieurs notables furent emprisonnés(6). Le maire Richard et ses autres collègues se sauvèrent par l'entremise des commissaires qui facilitèrent leur évasion. Audiffret aîné fut au moment d'être pendu par la populace et ne dut son salut qu'à ces mêmes commissaires. Le restant du parti, voyant ses chefs abattus ou fuyards, suivit leur exemple, ou de fuir, ou de rester dans leurs maisons.
      La municipalité fut dénoncée à l'Assemblée nationale et au club des Jacobins par Tournal, comme coupable de conspiration contre la liberté publique, la sûreté individuelle et contre l'achèvement de la révolution avignonnaise, grands mots que les factieux employaient ordinairement lorsqu'ils débitaient entre eux. Ce misérable Tournal fit plus après le massacre de la Glacière. Il chargea les municipaux destitués et dispersés du crime de l'assassinat de Lescuyer, tandis qu'il est notoire que ce fut au palais en présence de Jourdan que les chefs du parti dominant, du monde desquels était Tournal, décidèrent de provoquer un mouvement dans la ville pour tâter les forces du parti contraire et l'écraser entièrement s'il voulait se relever, comme nous le dirons par la suite.
      Nous avons déjà dit dans notre introduction que depuis l'affaire du 11 juin, les honnêtes gens n'ayant pu rester en sûreté dans cette malheureuse ville où ils étaient horriblement vexés, avaient abandonné leurs foyers et qu'ils s'étaient retirés à Villeneuve ou dans les villes et villages du Comtat où la révolution n'avait pas encore pénétré. Avignon se trouvait tellement dépeuplée qu'il ne restait plus que les factieux et quelques bons citoyens qui, soit par crainte ou faute de moyens, n'osèrent s'émigrer, gémissant dans l'intérieur de leurs maisons, n'osant se montrer en public sans risquer d'être insultés ou assassinés.
      Les satellites du parti dominant n'étant retenus par aucun frein se livrèrent à tous les excès. Il n'y avait pas de sûreté pour ceux qui témoignaient leur mécontentement sur la réunion d'Avignon à la France ou qui ne faisaient pas profession publiquement du patriotisme comme on l'entendait alors : on pillait impunément les maisons des émigrés quoiqu'on y eut apposé les scellés, on exigeait des contributions forcées et les assassinats se multiplièrent.
      Lescuyer, qui prévoyait que cet état de choses ne pouvait durer, ne cessait de représenter à ses adhérents que tôt ou tard ils seraient victimes eux-mêmes des monstres qu'ils faisaient agir, qu'ayant obtenu ce qu'ils désiraient si ardemment (la réunion d'Avignon à la France).
      Il leur convenait d'inspirer aux citoyens qui avaient fui, assez de confiance pour les engager à rentrer dans leurs foyers, par une conduite toute opposée à celle qu'on avait tenu jusqu'alors à leur égard. Les propos souvent répétés firent craindre aux autres chefs du parti que Lescuyer pensait à les abandonner et à se réunir au parti des modérés, ce qui aurait donné à ceux-ci une prépondérance qui pourrait leur être funeste. Ajoutons que Mende voulant faire parvenir le cadet Duprat son gendre au corps législatif et craignant la concurrence de Lescuyer, il fut décidé dès lors de s'en débarrasser en le faisant périr de manière à n'être pas compromis.
      Il fallait fomenter de nouveaux troubles, ameuter la canaille. Les prétextes ne manquaient pas, mais ils en avaient usé de tant de sortes qu'il en fallait trouver un plus capable d'émouvoir la férocité et la colère du peuple. Mende, les Minvielle supposent un complot formé par les patriotes modérés pour les faire périr et s'emparer ensuite du gouvernement de la ville. Ils Ils inspirent mystérieusement leurs craintes à leurs affidés. À force d'en parler, le doute se change bientôt en certitude dans l'esprit de quelques-uns. On s'assembla secrètement au palais que Jourdan occupait en qualité de commandant de la place. Les administrateurs(7) qui avaient remplacé la municipalité y assistèrent. L'on en exposa la prétendue conspiration. Lescuyer eut beau leur représenter que leurs adversaires fuyaient la ville, comme les aristocrates, que les uns ni les autres ne pensaient à causer le moindre trouble, que sans des preuves sûres de ce prétendu complot on ne pouvait causer une nouvelle insurrection sans s'exposer à lasser le peuple qui ne les regarderaient bientôt plus que comme des incendiaires et des perturbateurs du repos public, et qui ne les faisaient mouvoir que pour exercer des vengeances particulières, dont le résultat ne serait peut-être pas à leur avantage, il leur dit ces propres mots : « Prenez garde que quelqu'un de nous ne soit pas la victime de l'insurrection que vous allez causer. » Ces avis ne furent pas écoutés. On persista à demander une nouvelle insurrection pour connaître, disait-on, quelle serait la marche que tiendrait leurs adversaires et les écraser entièrement s'ils paraissaient vouloir se relever de l'état de nullité dans lequel ils les avaient mis, qu'ils étaient maîtres du palais, des canons, de l'arsenal et qu'ils sauraient bien maintenir leur supériorité sans qu'aucun d'eux s'exposât à des grands dangers.
      Après de longs débats, il fut enfin décidé, malgré l'avis de Lescuyer, qu'on afficherait aux quatre coins de la ville et surtout aux quartiers de la Carreterie et des Pénitents gris(8) que les effets et bijoux déposés dans les magasins du mont de piété avaient été enlevés. Bergin, un des administrateurs, scélérat consommé, se chargea de placer Cette Affiche. Lescuyer persista à empêcher qu'on use d'un moyen aussi dangereux dont il prévoyait les suites funestes, mais rien ne fut capable d'arrêter les auteurs du complot, qui présumèrent bien qu'une pareille annonce soulèverait la populace, dont la majeure partie avait des effets dans ces magasins et qu'en faisant insinuer que Lescuyer avait contribué à cet enlèvement, ils étaient assurés de le perdre sans se compromettre. C'est ce qui arriva.
      Le dimanche 16 octobre 1791, à la pointe du jour, l'affiche fut posée à la porte des Pénitents gris. Quelques paysans s'en aperçurent, lirent l'affiche et dans l'instant tout ce quartier fut en mouvement. Bientôt, celui de la Carreterie est dans la même agitation. On crie aux armes. Les brigands, les voleurs des deux partis armés de fusils, de fourches, de haches et autres armes meurtrières, se rassemblent dans l'église des Cordeliers. Une foule du peuple vient encore grossir ce nombre de furieux. Enfin, ce vaisseau immense se trouva rempli de monde. On crie de toutes parts. On ne s'entend plus. Et au premier moment de calme, quelques voix demandent de faire appeler Lescuyer. Quatre fusiliers se rendent à la commune. Il ne s'y trouva pas. Les administrateurs les renvoient chez lui. On le trouva mais il refusa de se rendre à l'assemblée. La députation vint faire part du refus de Lescuyer. On la renvoya avec ordre de l'amener mort ou vif. Effectivement ils le rencontrèrent qui se rendait à la commune. On s'en empara et on le força de venir aux Cordeliers. Arrivé dans ce lieu, Lescuyer monte en chaire, croyant par son jargon ordinaire qui lui avait si souvent réussi auprès de ce même peuple d'en calmer l'effervescence et dit : « Mes très chers frères, j'ai cru la révolution nécessaire et j'y ai coopéré de tout mon pouvoir. » Mais on ne lui permit plus de continuer. Les cris répétés de à bas à bas le forcèrent de descendre. Il voulut s'échapper mais on l'arrêta et on le conduisit dans le chœur, entouré d'une troupe de gens furieux et armés. Il demanda de l'encre et du papier qu'on lui fournit et écrivit un billet aux administrateurs portant ces mots : « J'invite l'administration à suspendre la rupture des cloches, d'ouvrir les magasins du mont de piété pour faire connaître au peuple qu'il ne s'est commis aucun enlèvement et lui donner toute la satisfaction qu'il demande. »
      Il remet le billet pour qu'on en fasse hautement la lecture, mais cela ne calma pas les mécontents. Il veut sortir du chœur et s'avancer vers l'autel. On lui met des fusils en joue. On crie you you et le nommé Barralier, taffetatier, lui lança un coup de bâton sur la tête qui l'étendit sur le marche-pied. Dans cet intervalle arrive le trompette de la ville qui vient faire part des ordres des administrateurs. On le hua et on le força de se retirer. Dès lors, toute la horde, hommes, femmes, enfants, tombe sur le malheureux Lescuyer naguère son idole, le meurtrissent de coups de couteaux sur la figure, les femmes à coups de ciseaux ou coups de pieds [le manuscrit s'arrête là.]

    Notes du manuscrit :
    (1) Les troupes françaises commandées par M. le marquis de Rochechouart entrèrent dans Avignon le 11 juin 1768 et en sortirent le 25 avril 1774.
    (2) Voyez les notes historiques pages...
    (3) Feu M. le baron d'Astier-Montfaucon, seigneur respectable sous tous les rapports, nous a dit que le 27 mars, se retirant chez lui sur les six heures du soir, il vit sous le petit arceau de St-Antoine, actuellement démoli, un homme qu'il reconnue étranger à son langage tenant une bourse à la main, entouré de trois femmes du peuple, et qu'il entendit ces mots il faut commencer par les consuls. Nous avons su depuis que cet étranger était le comédien Volange.
    (4) Les corvées faites à cette époque coûtèrent à la ville 12 mille 300 livres.
    (5) Les sieurs Vernisseur, Lescure Desmaison et l'abbé Mulot, trois Jacobins qui achevèrent de mettre le désordre dans Avignon et le Comtat.
    (6) Ils périrent dans le massacre de la Glacière.
    (7) Ces administrateurs étaient Bergin, taffetatier, Bourge, faiseur de bas, Philippe Combe, boulanger, Jullian, charcutier, Barbe, prêtre et Richard, cordeur. Ce dernier ne fut pas à cette assemblée et ne fut mêlé en rien dans l'affaire de la Glacière.
    (8) Ces quartiers ne sont habités en grande partie que par des paysans qui avaient donné comme des furieux dans la révolution.

    Source : Alain Lesur. Merci !

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  • Memòri de rèire-grand

    Mémoire d'aieul
    Ancestor's memory

    Antoine FERRIER
    (Avignon 01/02/1761 – Avignon 24/05/1837)
    Aux enfants de mes enfants (extraits)

     Je suis né dans la commune d’Avignon dans la maison qu’actuellement j’habite rue Barrollerie¹ numéro trente et un l’an mille sept cent soixante et un et le premier du mois de février. (...)
     (...) notre fatale Révolution arriva, (...) le père Ferrier fut nommé membre de la municipalité appelée Richard, il jouissait d’une très bonne réputation, assez de biens de sa fortune, une nombreuse famille jusqu’alors irréprochable, mais très peu instruit, naturellement enclin à la clémence et trop facile à tromper, parlant quelquefois sans réflexion, ce qui lui fit beaucoup d’ennemis, il avait un fond de probité mais peu propre aux fonctions publiques.
     L’on sait que le vingtième du mois d’août de l’an quatre vingt onze, la municipalité dont le père Ferrier était membre fut partie emprisonnée et partie dispersée par la faction opposée. Le père Ferrier n’étant pas en sûreté chez lui se réfugia dans le couvent des ci-devant pères petit Augustin réformés. Heureusement pour lui il s’y trouva une compagnie de hussards logés qui le garantirent des poursuites des méchants et il resta là une quinzaine de jours. Cependant comme je voyais le péril auquel cet homme était exposé par l’anarchie qui régnait dans Avignon à cette époque, je résolus à quelque prix que ce fût de le faire évader. En conséquence j’allais le voir, je lui exposais l’état des affaires, les caprices d’une révolution, l’incarcération de ses collègues, le peu de sûreté qu’il y avait pour lui, vu que la faction opposée était parvenue à faire partir les hussards ; le père Vallette (prêtre à Apt ?) approuva fort mes raisons et décida le père Ferrier à faire ce que je lui disait. La difficulté était de trouver un expédient pour mettre ce projet à exécution, parce que les portes de la ville étaient bien gardées.
     Je me chargerai de tout : tenez-vous prêt seulement, lui dis-je, pour ce soir à dix heures. En effet, j’avais tout prévu, tout préparé pour l’exécution de mon projet, corde, échelle, fusils, cartouches, mon domestique fidèle, mon frère Agricol. À dix heures précises du soir, environ quinze jours après qu’il s’était réfugié, nous fumes le prendre en compagnie de qui dessus à son refuge, je conduis tout l’attirail auprès de la tour du rempart qui est vis-à-vis la porte du moulin appelé “des morts” pour le cimetière de l’hôpital, je pose mes fusils à terre, je dresse mon échelle au pied de la tour, je fais monter premier mon frère Agricol, ensuite mon père et mon domestique et moi après. Je commence de passer un billot entre les jambes d’Agricol attaché à une bonne corde, il se prend les mains à la même corde et dans l’instant il est hors la ville et il attend son père que je travaille à descendre avec un peu plus de précaution, car c’était un homme extrêmement gros, la peur pouvait le prendre et arriver à une catastrophe ; ainsi pour plus de sûreté je passais une deuxième corde sous ses aisselles indépendamment de celle qui tenait le billot entre ses jambes, je l’embrasse pour le mettre sur le merlet ; mon père ne craignait point et il descend dans un instant sans coup férir. En même temps, je leur fait descendre un fusil la baïonnette au bout, et ils s'en vont à la grange du Pont des Deux Eaux dont mon père était fermier.
     Là y prenne le nommé Roux dit Bergère et se font passer le bac de Durance à Bonpas pour se rendre à Cabanne. C’est là où le père Ferrier resta tranquille jusqu’à la rentrée des troupes dans Avignon qui arriva le dix sept novembre après 1791. Après quant à moi je retournai chez moi bien satisfait d’avoir sorti mon père d’une ville où il n’y avait pas de sûreté pour lui.
     Tout ce que je viens de raconter ne me coûta que quinze minutes de temps.
     Je voudrais bien passer sous silence ce qui arriva après cette époque dans Avignon et je voudrais même au prix de mon sang en effacer la honte à la race future, mais il faut que j’en parle malgré moi pour l’intelligence de ce que je ferais. D’ailleurs mon silence serait de nul compte sur cette affaire, l’on comprend aisément que je veux parler de l’horrible massacre qui se commit dans le château fort d’Avignon la nuit du 16 octobre de l’an quatre vingt onze, époque où tout ce qui était pactisant la municipalité Richard n’était pas en sûreté².
     Celui qui était alors Pierre Jean Ferrier mon frère vint se réfugier chez moi, c’est-à-dire dans la maison de mon beau-père rue Calade n° trente isle vingt, je le fis coucher dans mon lit, le matin à deux heures je lui dis viens avec moi, je le mène à l’endroit déjà dit. Tous deux seuls je le descend du rempart et je lui ordonne d’aller passer le bateau à la traille de Sorgue pour se rendre à la Barthelasse, ce qu’il fit, et moi je me retournais chez moi au milieu de plusieurs factionnaires qui criaient Qui vive de tous côtés, avec mon échelle, ma corde et mon fusil. Je garantissais les autres du danger et moi j’y restais. (...)
     Les troupes rentrées dans Avignon sous la conduite du général Choisy, sous les auspices des commissaires civils Lessene, Desmaison, Champion de Villeneuve et d’Albignac envoyés par le roi dans Avignon sous la conduite du général Choisy qui, de concert avec les commissaires civils réintégrèrent la municipalité dans leur fonction et que le père Ferrier eut l’imprudence d’accepter contre mon conseil, ce qui lui causa encore beaucoup de chagrin, de persécution et finalement la mort qui s’en suivit.
     L’administration municipale étant neuve dans une révolution où les factions se succèdent, où la loi des plus audacieux et des plus forts tient lieu de tout, crurent que tout de concert et même autorisé par des agents du gouvernement, commissaire civil et le général, qui existait alors, crurent, dis-je, de leur devoir et pour le bien de l’humanité d’après les pouvoirs à eux donnés de lancer des mandats d’arrêt contre tous les prévenus des forfaits qui s’étaient commis le seizième d’octobre. À cet effet les troupes de ligne, les hussards, le régiment de La Marck sous les ordres du général, tout fut en recherche, et ce fut alors que les Jourdan, les Minvieille, les Sabin Tournal et une infinité d’autres prévenus furent réellement incarcérés. Ce fut alors aussi que la chance tourna comme l’on sait, le gouvernement monarchique fit place au gouvernement républicain. Les autorités royales furent destituées et les portes des prisons ouvertes à tous les prisonniers pour cause de révolution et même autorisés à se faire payer pour leur temps perdu et (...) à cette époque les Jourdan, Minvieille, Duplat, Sabin et autres assignèrent la municipalité Richard dont le père Ferrier faisait partie, un pour l’autre un seul pour le tout, à leur compter la somme de 100 mille francs pour les dédommager de leur souffrance, prison, abandon de ces affaires, persécution, etc., etc.
     Pour parler de ce coup, l’aîné Ferrier d’après ce conseil imagine un moyen paisible pour soustraire le bien de notre père à ces vampires. À cet effet il vint chez moi à la Grangette de Reynard Lespinasse près St-Lazare où j’ai fait domicile 18 mois. (…)

    ¹ Actuelle rue Baraillerie.
    ² Il s'agit des massacres de la Glacière.

    Antoine Ferrier était le grand-père maternel du grand-père maternel de mon père.

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  • Pleidejarié e requisitòri de Matièu Jouve

    Plaidoierie et réquisitoire de Mathieu Jouve
    Plaidying and indictment of Mathieu Jouve

    À la tête de l'armée révolutionnaire du Vaucluse, il s'est surnommé "Jourdan Coupe-Tête". Après le massacre de la Glacière des 16 et 17 octobre 1791, il échappe à la justice profitant d'une amnistie en mars 1792. Fin 1793, les députés de la Convention lui confient un commandement dans la gendarmerie du département de Vaucluse. Voici son discours devant les députés de la Convention nationale.

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    Son comportement brutal soulèvera de nombreuses protestations. Il passe les bornes en faisant arrêter sans ordres des membres du tribunal criminel du département de Vaucluse. Arrêté à-n-Avignon le 23 avril 1794 et transféré à Paris, son jugement est expédié rapidement et il monte sur l'échafaud le 27 mai, deux mois avant Robespierre.

    Lire ici et ici.

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  • Li Brave bregand d'Avignoun

    Les Braves brigands d'Avignon
    The Brave brigands of Avignon

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    Eau-forte - 1791.

    De gauche à droite :
    Jacques Pierre Agricol Minvielle (1764-1793)
    Jean-Étienne-Benoît Duprat (1752-1809)
    Sabin Tournal (à genoux)
    (3) Armand-Gaston Camus (1740-1804)
    (2) Charles-François Bouche (1737-1795)
    Mathieu Jouve dit Jourdan coupe-tête (1746-1794)
    (1) Rabault-Saint-Étienne (1743-1793)
    Trois députés de la Constituante : Bouche, Camus et Rabault-Saint-Étienne, entourent Jourdan.
    À terre des membres épars des victimes que ramassent et dévorent d'autres personnages.

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    Eau-forte bistre - 1792.

    « ...il serait difficile d'imaginer un brigandage pareil à celui qui se commit sous les ordres de Jourdan. On donna le nom de brigands aux hommes qui composaient cette horde : ils prirent le parti de s'en glorifier et s'intitulèrent eux-mêmes les braves brigands d'Avignon. (...)
    « ...une partie du peuple d'Avignon, aigri par la misère, assassina, dans la journée du 16 octobre 1791, le secrétaire de la municipalité nommé Lescuyer, agent de la terreur. Cet attentat fut pour Jourdan le signal du plus affreux carnage ; et la nuit ainsi que les jours suivants furent employés à venger la mort de Lescuyer. Le palais apostolique connu sous le nom de la Glacière contenait l'arsenal, les prisons, les salles de justice, et le logement du vice légat. Ce fut là que les braves brigands assommèrent à coups de barres de fer soixante-une personnes parmi les quelles se trouvaient treize Femmes. »
    In "Biographie universelle, ancienne et moderne" - Chez L.G. Michaud - Paris - 1818.

    Voir aussi "Li massacre de la Glaciero".

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