La première exécution capitale à-n-Avignon depuis la Révolution
The first capital execution in Avignon since the Revolution
(De notre correspondant particulier)
Avignon, 15 février. — Michel Nicolini, le sinistre Michel "Le Corse" qui, à quelques jours d'intervalle, avait assassiné dans des circonstances particulièrement tragiques, la fille "Oudja la Tatouée" et Lily Montagnard, tenancière de rétablissement "Le Tabarin", vient de "payer" sa dette à la société.
Condamné à mort par la Cour d'Assises du Vaucluse, la grâce suprême du Président de la République ne lui avait pas été accordée.
Il a été exécuté ce matin, à l'aube, en Avignon, sous les murs de la prison Sainte-Anne.
Depuis la Révolution Française, aucune exécution capitale n'avait eu lieu dans la vieille cité des Papes.
Cette exécution avait rassemblé pendant toute la nuit, aux abords de la prison, une foule très dense que la pluie diluvienne, qui n'a cessé de tomber, ne découragea pas un seul instant.
Déjà la nuit précédente les mêmes curieux avaient, avec résignation, passé de longues heures d'attente vaine. Ce matin, à 2 heures, lorsque le service d'ordre vint prendre position aux carrefours voisins de la prison, il devait débarrasser les rues de la foule qui les avait envahies. Cette foule, ne cessa, bien entendu, de grossir, tandis que s'avançait l'heure du châtiment.
LE RÉVEIL DU CONDAMNÉ
Les bois de justice étaient édifiés entre 4 heure et 4 heures 30.
À 5 heures, M. Pernot, procureur de la République à Avignon, accompagné de MM. Baugier substitut, Boulle et Giberne juges d'instruction, Mabelly, procureur de la République à Orange, Me Henri Burnat, attaché au Parquet, le docteur Jacquet, pénétraient dans la prison où, une demi-heure plus tard, le gardien-chef M, Baumelle, réveillait Nicolini dans sa cellule.
Sans laisser paraître La moindre émotion, Michel Nicolini s'habillait avec soin et faisait sa toilette.
Très tranquillement, comme s'il allait à un office ordinaire, il se rendit à la chapelle improvisée par le chanoine
Courbon, aumônier de la prison, et il reçut la communion.
LA DERNIÈRE CIGARETTE...
LE DERNIER PARDON...
Conduit ensuite au greffe pour les formalités de la levée d'écrou, Nicolini, après avoir fumé une cigarette, demandait, étant illettré, à son avocat M. Joseph Rolland, du barreau d'Avignon, d'écrire une lettre à sa sœur, à Marseille.
« Je demande pardon, dit-il, à ma famille pour toute la peine que je lui ai faite ».
Lorsque les ciseaux lui eurent largement échancré la chemise, il dit sans forfanterie : « Tiens, j'ai le col "à la Marsiahlo" », entendant par là, que sa chemise était ouverte à la façon de la mode estivale à Marseille.
À 6 heures 19, Nicolini dont les mains venaient alors d'être liées derrière le dos, était amené devant l'échafaud. Toujours impassible, il ne se départit pas un instant de son calme, mais il considéra un instant avec un sentiment visible de curiosité, la sinistre machine.
L'EXPIATION
Puis, crachant la cigarette qu'il tenait entre ses lèvres, il se laissa pousser sur la bascule sans dire un mot.
À 6 heures 20, justice était faite. Les bois de justice, démontés sitôt après l'exécution, ont pris, à 8 h 30, le train pour Draguignan.
Le corps du supplicié a été transporté au cimetière Saint-Véran, avec l'habituelle escorte des gendarmes à cheval, et faute de carré réservé aux suppliciés, il a été inhumé dans la fosse commune.
Henri BÉCRIAUX