Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

│ˉˉˉˉ│∩│ˉˉˉˉ│ AVIGNON │ˉˉˉˉ│∩│ˉˉˉˉ│ - Page 352

  • Avignoun, jun 1814 - 2/5

    Avignon, juin 1814 - 2/5
    Avignon, june 1814 - 2/5

    SOUVENIRS MILITAIRES D'HYPOLITE D'ESPINCHAL

    SÉJOUR À AVIGNON

    À mon frère.
    Avignon, 10 juin.

    « Me voilà donc arrivé, cher ami, après une marche de quarante-deux jours, pour prendre un premier repos dont je ne puis encore apprécier la durée et sans prévoir le sort qui m'est réservé, non plus qu'à mes braves compagnons d'armes, les bruits les plus contradictoires circulant à cet égard mais une chose qui me semble probable, c'est ma carrière brisée, ayant à lutter contre les obstacles, des contrariétés sans nombre et la foule d'intrigants assiégeant le pouvoir et obtenant tout par la persévérance de leurs poursuites ou au moyen de la corruption de l'or. Ce système, qui paraît être celui du jour, d'après tout ce qui se passe à Paris depuis ce qu'on appelle la Restauration, n'est nullement rassurant ; aussi, ai-je la conviction de n'y pas faire fortune avec mon caractère ; cependant je tiendrai tant que je pourrai, sans intrigue, sans bassesse, en suivant la ligne de mes devoirs et confiant dans mes droits ; il est vrai que c'est un métier de dupe, mais j'aurai du moins la conscience tranquille, ce qui n'est pas sans quelque consolation.

    « Quant à toi, pauvre financier déchu, peut-être te rendra-t-on une autre recette générale en échange de la belle qu'il t'a fallu quitter ; mais, au moins, dans le cas contraire, on sera, je pense, tenu de te rembourser 500 000 francs versés dans les caisses de l'État comme cautionnement et, avec cette fiche de consolation, on peut facilement se tirer d'affaire ; dans tous les cas, j'attends impatiemment de tes nouvelles pour savoir quels sont tes projets. Le séjour d'Avignon, qui, dans un temps calme, eût été fort agréable, est en ce moment fort triste, cette ville étant en proie aux passions, aux ambitions et à la crainte ; une partie du peuple et plusieurs des premières familles du pays ont la funeste pensée de retourner sous l'autorité du Saint-Siège ; cette espérance, bien que dérisoire, se fonde sur la réclamation que le Pape vient d'adresser aux puissances, prétendant que, dans le moment où les princes de l'Europe rentrent dans les États que la force leur avait enlevés, il serait de toute justice que le Comtat Venaissin redevint tributaire de la tiare, comme avant la révolution de 92. Je ne sais jusqu'à quel point on fera droit à une semblable prétention, mais, en attendant, Louis XVIII ne paraît guère disposé à abandonner un des fleurons de sa couronne, dût-il encourir les foudres du Vatican.

    FONTAINE DE VAUCLUSE

    « Depuis mon arrivée ici, n'ayant rien de mieux à faire que de me distraire, en attendant notre départ pour Montpellier dont j'ai reçu l'avis du ministère de la Guerre, j'ai voulu faire un pèlerinage dans ces lieux illustrés par les vers de Pétrarque et je vais te retracer mes impressions et les détails que j'ai obtenus sur cette fontaine merveilleuse.

    « La fontaine de Vaucluse, située à quatre lieues d'Avignon et à une demie du village de ce nom, est sans contredit une des plus belles et extraordinaires sources qui existent peut-être au monde. Placée dans des blocs de rochers énormes au milieu desquels se découvre une grotte immense où dort une eau transparente et silencieuse, quand les eaux de la source sont très basses, ce qui arrive ordinairement au mois d'octobre ; il s'en faut alors de plus de 60 pieds que l'eau parvienne au bord du bassin de la source et l'on peut, en prenant de grandes précautions, descendre jusqu'à la surface de l'eau qui est aussi unie qu'une glace, sans aucune espèce de mouvement et d'une profondeur incalculable. Tous les efforts faits jusqu'à ce jour pour sonder cet abîme sont restés infructueux.

    « C'est l'époque où l'on peut visiter la fontaine de Vaucluse, parce qu'il est facile d'approcher de la caverne et de parcourir sans danger le lit naissant de la rivière mais, lorsque je la visitai, la fonte des neiges ayant donné toute sa force à la source, elle versait ses eaux par-dessus les bords de la caverne dont elle cachait et surmontait de beaucoup l'ouverture. Un figuier poussé dans les veines dû rocher, plusieurs pieds au-dessus, est, dit-on, la marque de sa plus grande élévation.

    « L'onde se soulevait du gouffre sans fond, montant sans laisser apercevoir d'abord ses mouvements ; mais, ne pouvant pas se contenir dans la grotte, les flots se précipitaient avec fureur contre les blocs entassés qui semblaient s'opposer à leur passage cette lutte produisait un fracas horrible, une longue suite de cascades, une mer d'écume, un bruyant tumulte que l'écho des montagnes redoublait et faisait retentir au loin.

    « Il est difficile de rendre l'effet produit par un coup d'œil aussi majestueux, dont la nature fait tous les frais avec une prodigalité qui tient du sublime et une incommensurable magnificence.

    « Il ne reste, mon ami, après tant de merveilles, qu'à courber le front dans la poussière, pour adorer Celui qui en est le dépositaire après en avoir été le créateur.

    « Ce fut en revenant de cette course intéressante qu'un incident, qui pouvait être des plus fâcheux, devint la source d'un bonheur ineffable, dont malheureusement il ne me restera bientôt plus que le souvenir.

    À suivre...

    Lien permanent 3 commentaires Pin it!
  • Avignoun, jun 1814 - 1/5

    Avignon, juin 1814 - 1/5
    Avignon, june 1814 - 1/5

    SOUVENIRS MILITAIRES D'HYPOLITE D'ESPINCHAL

    GARNISON D'AVIGNON

    Une lettre peu rassurante du général Mermet m'arrivant dans la soirée m'annonçait l'exaspération du peuple de cette ville contre les troupes ; des rixes sanglantes avaient eu lieu au passage de plusieurs régiments d'infanterie et ces mêmes hommes qui, en 1792, s'étaient souillés de tant de crimes au nom de la république, devenaient en ce moment de frénétiques royalistes envisageant les troupes comme le soutien du despotisme de Napoléon. Le général me donnait l'avis que, bien certainement, cette masse turbulente viendrait au-devant du régiment pour en exiger une profession de foi royaliste, ainsi qu'elle avait voulu le faire aux troupes qui nous avaient précédé ; il m'engageait à agir avec calme, prudence, mais fermeté, et à conserver la dignité qui appartenait au régiment que j'avais l'honneur de commander, me prévenant en même temps que le corps municipal, composé d'hommes sages et prudents, enverrait quelques-uns de ses membres aux portes de la ville pour nous recevoir, désirant qu'en refusant d'accéder aux exigences des perturbateurs, j'y mette le plus de modération possible et surtout j'évite toute voie de fait, la ville étant sur un volcan. Faisant aussitôt venir les capitaines, je leur fis prendre connaissance de la lettre du général afin qu'ils n'ignorassent point la position dans laquelle nous allions nous trouver, tant pour entrer dans cette ville turbulente que pour y tenir garnison. Je prescrivis dans ce premier cas de maintenir le silence le plus absolu, d'exiger des chasseurs beaucoup de réserve dans leurs logements, et qu'ils ne se présentassent jamais aux appels et aux distributions que le sabre au côté mais surtout d'éviter toute rixe avec le peuple, sans toutefois supporter une insulte.

    Dans l'après-midi, un détachement de cinquante chasseurs, sous les ordres d'un capitaine, partit avec les sous-officiers de logement pour établir nos quartiers. Le régiment, dans une tenue parfaite, se mit en marche le 2 juin, dès quatre heures du matin, avec beaucoup moins de satisfaction que s'il eût été question d'aller attaquer une redoute ennemie. Vers les huit heures, peu après avoir passé la Durance sur un pont superbe, nous rencontrâmes le 1er Hussards, nos braves compagnons d'armes de l'Armée d'Italie, se rendant à Arles, prévenus comme nous sur les embarras qui les attendaient dans cette ville.

    Les deux régiments firent une halte d'une heure et demie, où de nombreuses rasades furent bues au souvenir du passé et à l'espérance de l'avenir ; nous séparant ensuite avec les marques d'une affection cimentée sur les champs de bataille et serrant la main au colonel Clary, mon ancien camarade, nous nous souhaitâmes mutuellement bonne chance. Vers midi nous arrivâmes, en colonne par pelotons, le long d'un quai magnifique bordant le Rhône, en présence d'une immense population précédée par quatre membres du conseil municipal qui nous témoignèrent, au nom de la ville, la satisfaction qu'elle éprouvait de recevoir dans ses murs un régiment dont la réputation était aussi brillante, espérant que la concorde et l'union la plus parfaite régneraient entre nous et les habitants.

    J'allais répondre à cette honorable réception lorsqu'un homme, de haute taille, à la figure rude, expressive et féroce, suivi d'une douzaine de coupe-jarrets, m'adressant la parole d'une manière assez brusque et presque menaçante « Monsieur le colonel, me dit-il, nous exigeons, avant d'entrer en ville, que votre régiment fasse entendre le cri de Vive le Roi ! À bas le tyran Bonaparte ! alors, nous l'accueillerons en frères. Oui ! oui ! criez Vive le Roi ! vociférait la populace en s'agitant comme des flots tumultueux ; Chasseurs, criez Vive le roi ! Mort à Bonaparte répétaient les hommes, les femmes et les enfants avec des hurlements menaçants, sinon nous vous chassons de la ville. » Mais les chasseurs impassibles, le sabre à l'épaule, répondaient par un silence énergique ; alors, faisant avec mon sabre un geste qui indiquait l'intention de parler, cette masse suspendit ses cris féroces pour entendre ce que j'allais dire.

    « Messieurs les magistrats, dis-je, en m'adressant aux membres du Conseil municipal, soyez bien convaincus que le 31e régiment de Chasseurs se rendra digne du bon accueil que vous voulez bien lui faire ; en venant dans votre ville, il espère y faire des amis et sympathiser avec les habitants ; son dévouement pour le souverain qui nous gouverne sera sans bornes comme il l'a été pour celui qui nous conduisait à la victoire ; nos règlements militaires ne nous permettent de proférer aucun cri, mais veuillez croire que nos cœurs et nos bras seront tout dévoués au Roi de qui nous attendons le bonheur de la France. »

    Aussitôt après cette réponse, j'ordonnai à l'avant-garde d'entrer en ville et nous suivîmes ce mouvement au bruit de nos fanfares et aux cris de Vive le Roi ! Vive le 31e Chasseurs ! poussés par le peuple que nous refoulions devant nous en évitant de lui faire aucun mal et sans qu'il mit aucun obstacle à notre marche ; l'attitude calme, sévère et martiale des chasseurs ayant produit l'effet de la crainte et du respect.

    Aussitôt les quartiers distribués, les officiers furent rendre une visite de corps au général Mermet qui nous conduisit chez M. Rouen, le préfet, que je connaissais particulièrement : il savait déjà tout ce qui s'était passé, il m'en témoigna sa satisfaction aussi bien que le maire chez lequel nous fûmes ensuite.

    Plusieurs postes furent établis, des patrouilles ordonnées pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité et tout se passa beaucoup mieux que nous n'avions lieu d'espérer ; cependant, le soir, des vociférations épouvantables se firent entendre dans les rues par plusieurs bandes de gens sans aveu criant les uns Vive le Roi les autres Vive le Pape provenant de deux partis existant alors dans la ville, dont l'un voulait le rétablissement de la souveraineté papale ; des rixes, des combats avaient eu lieu à cet égard depuis plusieurs jours et, la nuit de notre arrivée, ces excès se renouvelèrent sans que les chasseurs y prissent la moindre part, la garde nationale s'étant chargée de la police et pensant que notre intervention pouvait devenir nuisible cependant, par mesure de sûreté, les chasseurs reçurent l'ordre de se tenir prêts à tout événement

    Le lendemain, tous mes hommes circulaient dans la ville aussi tranquillement que si nous y fussions depuis six mois et l'accord le plus parfait s'établit entre nous et les habitants d'une manière si intime que, presque tous les soirs, nos chasseurs dansaient des farandoles avec les jeunes filles du peuple, usage fort habituel dans ce pays où les passions de tout genre sont assez vives.

    À suivre...

    Lien permanent 7 commentaires Pin it!
  • Li campano dóu pont

    Les cloches du pont
    The bells of the bridge

    4001838295.jpg 3917808301.jpg

    3490201192.jpg
    2115638148.jpg 1201090369.jpg

    Les cloches sont signée ZEEH METZ AVIGNON (Jean Zeeh, de Montigny-lès-Metz, le donateur).

    Photos Markoye Souchon, juin 2018. Merci !

    Lien permanent 7 commentaires Pin it!
  • Sus la muraio de-passado

    Sur le mur en passant
    On the wall by the way

    2274374718.jpg 3061329571.jpg
    Lien permanent 3 commentaires Pin it!
  • Ount'es Charlie ?

    Où est Charlie ?
    Where is Charlie ?

    334821750.jpg

    Lien permanent 4 commentaires Pin it!
  • Palo sènso palo

    Pâle sans pales
    Wan without vanes

    64633540.jpg

    Lien permanent 12 commentaires Pin it!