Lettre d'une recrue de 1933
Letter from a 1933 recruit
Brief eines Rekruten aus dem Jahr 1933
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Caserne d'Hautpoul - 7e Génie
Avignon le 9 novembre 1933
Chers parents,
Vous m'excuserez tout d'abord si je ne vous ai pas écrit plutôt. Vous devez savoir qu'un jeune soldat a tellement du travail qu'il n'a pas toujours le temps nécessaire pour faire sa correspondance. Maintenant surtout nous sommes débordés. En effet samedi nous allons défiler en ville. Après cette cérémonie nous serons présentés au drapeau. Toute la journée nous ne faisons que des mouvements d'arme ce qui fatigue énormément le bras droit. Aujourd'hui 9 novembre nous avons répété la revue de samedi avec la musique du régiment. Si cela offre un spectacle très intéressant à suivre il faut tout de même avouer que pour les exécutants ça ne présente pas le même intérêt. Le but de ma lettre ce n'est certes pas de vous parler du futur mais du passé. Je vais commencer par le repas des jeunes recrues que nous avons fait dimanche dernier. Voici d'abord le menu succulent.
Entrée : jambon, olives
Entremet : Haricots bretonnes
Rôti : Poulet rôti
Dessert : salade, crème au chocolat petits beurres et pour terminer café rhum. Ajoutez à cela un demi litre de vin un quart de vin vieux et vous verrez que ce repas sortait de l'ordinaire. En lisant ces mots papa doit avoir la salive à la bouche. J'oubliais de vous dire qu'avant le repas nous avons eu une causerie du capitaine Bourret nous démontrant ou plutôt essayant de démontrer que le régiment est non l'école du vice comme quelques personnes ont pu le dire mais tout au contraire l'école de la solidarité et de la franchise. Dimanche au soir après ce succulent diner nous sommes sortis librement en ville. Je suis allé au capitole voir jouer "Une femme au volant". Après le spectacle nous sommes allé quelques copains faire une belotte. Avant son départ j'ai vu Mr Baux. Il m'a dit que peut-être il reviendrait faire une période l'an prochain. Je n'ai pas encore eu d'entrevue avec le capitaine Bourret au sujet de Mr Marty. Je suis très heureux que papa est trouvé une place chez Mr Laurent. Comme cela nous ne partirons pas de quelques temps de Perpignan. Je joins à ma lettre une photo de la 4e Cie. J'ai donné le mot au commandant. Je termine en vous embrassant bien fort.
Excusez mon mauvais style et ma mauvaise écriture, l'heure de la soupe sonne et à mon grand regret je vous quitte pour aujourd'hui.
A...
Envoyez-moi un caleçon long très grand, un des miens. Ici il n'y en a pas pour ma taille.
Commentaires
Ils ont l'air bien insouciants, ces soldats du Génie ! On y fait ripaille, et le Capitaine ne parle pas de la guerre, mais de l'école de solidarité et franchise que constitue l'armée.... et on va au Capitole voir un film...
Je me demande si il n'y a pas une erreur de lecture sur la date ! Le gribouillis qui suit le 193 imprimé ne ressemble pas au 9 qui précède, il pourrait plutôt s'agir d'un 3.
Ce qui expliquerait l'ambiance fort peu guerrière qui nous est décrite, sans oublier ce film du Capitole "Une femme au volant", qui est sorti en....1933 !
Cerise sur le gâteau, il est évident que le défilé de samedi dont il est question est celui commémorant l'Armistice du 11 novembre. Or, si en 1939 cette date tombait effectivement un samedi, c'était aussi le cas en 1933.
Dernier petit détail, l'oblitération du timbre vante la prochaine foire de printemps d'Avignon, or celle-ci a été suspendue pendant le conflit... Tout ceci me semble faire pencher la balance dans le sens du 3 = 1933.
Absolument correct, Alain. C'est 1933.
Que l'on veuille m'en excuser, je corrige de suite !
Quels seraient les éléments situés à droite de la carte ?
(Style panneau ferroviaire, et sorte de télescope sur une nacelle de ballon).
C’est curieux…
D'une part, les instruments traditionnels des sapeurs : pelle, pioche, coffrage de vannerie pour élever des fortifications sommaires en terre. Et d'autre part, des instruments beaucoup plus modernes de topographie : mire et télémètre à lunette.
Ce n'est pas une carte, c'est l'en-tête de la lettre.
Merci pour ces précisions et réponses rapides !
J’ignorai les coffrages de vannerie ….
C'était l'usage pour les fortifications "de campagne", où la mobilité était la qualité essentielle. Rien de plus facile de de transporter des ouvrages de vannerie - ou de les tresser sur place - . Et la terre se trouvait partout : une épaisseur d'un mètre mettait à l'abri de la plupart des projectiles en usage jusqu'au milieu du XIXème. Ne pas oublier non plus que l'Armée française préparait dans les années 1930 une nouvelle guerre de 14 !
Il manque néanmoins sur ce dessin le tablier, qui faisait partie de l'équipement caractéristique des sapeurs du Génie (et accessoirement une spécialité lyonnaise, mais on sort du sujet...).