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Au citoyen Maire* de la Commune d'Avignon
Citoyen Maire,
C'est le frère d'un négociant malheureux, c'est un citoyen paisible, irréprochable dans sa conduite, qui ne peut implorer en personne votre justice et celle des juges de paix, qui prend la liberté de vous écrire. À cette cause, j'ai l'honneur de vous informer que hier à neuf heures du matin, le citoyen Aubenas, fabricant de soies, faisant sa demeure habituelle dans l'isle n°138, à côté du couvent des ci-devant religieuses de St-Laurent, se rendit chez moi : rue Carreterie isle 2 M° N°8. Le reconnaissant pour un créancier de 700⸄ de mon frère, je lui demandais amicalement s'il venait m'annoncer quelques arrangements avec son débiteur ; … Citoyen Maire, la réponse du dit Aubenas fut de sortir un poignard qui tenait caché sous son manteau, avec lequel il me colla contre le mur de mon appartement pendant deux minutes pour me contraindre à le payer, ou à lui indiquer la retraite de mon frère. J'était seul dans ma maison : ma mère âgée de quatre vingt trois ans était allée prendre de feu chez une de ses voisines, et pendant l'intervalle de cette odieuse oppression, ma mère étant de retour chez moi, le dit Aubenas prit la fuite en jurant , qui aurait ma vie, et celle de ma famille. N'ayant pu avoir d'autre explication de cet homme furieux, je sortis tout de suite pour porter mes plaintes aux juges de Paix de son arrondissement, mais hier étant le jour de la décade, il ne me fut pas possible d'effectuer mon intention. M'étant retiré à cinq heures du soir à ma maison, le même individu accompagné d'un autre frappèrent un instant après moi à ma porte, et ma chère mère, instruite du danger que j'avais couru le matin, leur dit à la fenêtre que je venais de sortir, alors ces misérables proférèrent beaucoup de sottises, et j'aperçut de ma fenêtre qu'ils se postaient aux avenues de ma maison pour attendre sans doute mon retour. Citoyen Maire, aujourd'hui, je croyais pouvoir vous donner avis de vive voix de ma triste aventure, mais les mêmes individus s'étant approchés de ma demeure me jettent dans l'impossibilité de vous instruire et de solliciter vos secours. Ne pouvant concevoir pour quelle cause ces misérables veulent faire couler mon sang, je m'adresse au Magistrat du Peuple pour qu'il vous plaise réprimer la fureur des hommes à qui je ne fais aucun tort que je puisse me reprocher et rendre la liberté, et la sureté, à un citoyen paisible ami des lois.
Salut et dévouement Reynard Cadet à Avignon le 11 pluviôse an 10 de la République Fse
Rue Carreterie isle 2 M° N°8 à Avignon
* Guillaume Puy
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