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Cardon es malaut

Cardon est malade
Cardon is sick
Cardon ist krank

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2310535633.jpgÀ Monsieur Provençal docteur et professeur
de la faculté de Médecine de Montpellier

Permettez, Monsieur, que par l'intermédiaire de Mr Eycard pharmacien de cette ville qui a l'avantage d'être connu de vous, j'aie recours à vos lumières dans la triste situation où je languis depuis plusieurs années.
J'atteins ma soixantième année, assez fortement constitué, je n'eus dans ma jeunesse que deux gonorrhées dont la 1ère se dissipa sans remède, la 2ème il y a quinze ans fut traitée et guérie à Marseille où j'étais alors en fonction. Trois ans après, je fus envoyé en Piémont, et je pris dans les Alpes un coup d'air qui me fit beaucoup souffrir et dégénéra en catharre. Cependant la vigueur du tempérament me fit supporter cette incommodité jusqu'en 1814 qu'étant de retour en France et fixé à Avignon les convulsions du gouvernement opérèrent sur mon physique et dans le système nerveux une telle révolution que je fus tout à coup attaqué d'inflammation et de rétention d'urine.  Malheureusement je fus charlatanisé par les saignées, les sangsues, le rob & les bains de siège seuls me procurèrent un soulagement temporaire. Cependant le mal se fixa sur le col de la vessie, il s'ensuivit un écoulement blanchâtre et gommeux qui m'engourdissait tout le corps, et je marchais avec peine. Je pris alors pour chirurgien Mr Alland qui me sonda et me persuada de garder les sondes de plus en plus grosses pour élargir, dit-il, le canal. Je les ai supportées pendant un an et demi avec des douleurs inouïes, joint à d'autres remèdes qu'il me faisait prendre, des bains de siège, et plusieurs bouteilles de la liqueur de Wansweten dans du lait. Je sentis que la violence de ce spécifique m'irritais de plus en plus le genre nerveux au point que j'en ai contracté un tremblement qui m'empêche de boire seul et de tenir la plume, pour peu que mon moral soit affecté, étant d'une extrême sensibilité. Au printemps de 1822 j'éprouvais du mieux, lorsque la mort de mon épouse et la perte de la majeure partie de ma fortune me replongèrent dans les souffrances et le désespoir. Forcé de faire un voyage à Marseille, j'y fus sondé par Mr Covière qui ne trouvant point d'obstacle dans la vessie ordonna vingt sangsues entre le rectum et le périnée, et m'engagea de revenir au plus tôt chez moi pour suivre un régime. Je le fis mais la voiture de poste me fatigua tellement que ne pouvant plus uriner malgré l'extrême besoin, l'inflammation devint telle que me sentant mourir, je descendis à quelques lieues d'ici. M'étant fait transporter chez moi je me suis tout de suite mis aux bains de mauve et pariétaire, les hémorroïdes internes et externes se déclarèrent et je souffris cruellement pendant les moi s de septembre et octobre. Les douleurs se sont maintenues dans les flancs surtout du côté gauche, au point que pendant la journée je suis obligé de me comprimer avec une forte ceinture. La nuit je suis obligé de faire à chaque heure des efforts pour uriner, alors la vessie se comprime, le rectum sort avec des vents et par suite les urines, ce qui me procure un soulagement momentané. Mr Alland ne m'ordonne maintenant que du lait le matin avec une décoction de mauve, m'annonçant que bientôt il me remettra aux sondes et aux bougies, quoiqu'on me les aie bien défendues à Marseille. Je sens que tout le siège du mal est sur le col de la vessie : l'écoulement va toujours plus ou moins, du reste les digestions et sécrétions l'opèrent ; j'éprouve souvent une grande altération : j'y remédie avec de l'eau teinte de vin blanc, ou de l'eau panée. On me conseille un cautère, mais j'attends votre approbation. 
Daignez, Monsieur, prendre cet exposé en considération, ordonner ce que vous jugerez convenable pour hâter ma guérison, s'il en est encore temps ; après des souffrances et des dépenses aussi prolongées il faut ou guérir ou mourir. Si j'avais pu supporter les voitures, il y a longtemps que je me serais fait conduire auprès de vous, mais impossible quant à présent. Nous attendons votre réponse le plus tôt possible, et j'aurai soin de vous transmettre les honoraires que vous indiquerez.
J'ai l'honneur de vous saluer avec une parfaite considération.

  Cardon
Avignon 20 janvier 1823 Rentier place Châtaigne n°11 derrière l'église St. Pierre
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Commentaires

  • pauvre de lui (et si j'ai une ébauche de sourire c'est preuve de méchanceté-

  • Une époque où les calculs ne torturaient pas que les jeunes enfants sur les bancs de l'école.

    Pour mémoire, Napoléon III, entouré des meilleurs médecins et chirurgiens, est mort de cette affection que l'on connaissait sous le nom de "maladie de la pierre".

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