L'homme sauvage
The wild man
Der wilder Mann
HÔTEL DE COHORN DE LIMON |
Selon Casimir Barjavel (comme pour Hervé Aliquot), les COHORN du Comtat Venaissin portent blason : écartelé : au 1 et 4, d'or à 4 pals d'azur ; au 2 et 3, de sable à un cor de chasse d'or, l'embouchure à dextre, lié de gueules.*
L'origine : Pierre de COHORN
Il existe en l'église de Montfavet une dalle funéraire (controversée, sans doute XVIIIe) représentant Pierre de COHORN, ceinte de cette inscription : « Ci-gît noble et illustre Pierre de Cohorn, suédois, collaborateur de l’évêque d’Upsal dans l’élection de Christian 1er et, à cause de son dévouement, Chambellan et chef des armées de ce prince. Sten Sture étant demeuré vainqueur, il émigra en Danemark. Ayant ensuite accompagné le roi à Rome, il y tua en duel un seigneur danois, son compétiteur dans les faveurs royales. Doublement exilé, il se réfugié en France, Jean son fils, faisant partie de la suite de Julien de Rovère. Il vécut pieusement à Montfavet près d’Avignon. Il mourut le 10 juillet 1479. Jean de Cohorn son fils, cette tempête apaisée, éleva ce monument à la gloire de son père en 1486 ».
À Mazan, Jean de COHORN et Agnès de RHOTIS, mariés en 1465, vont fonder la branche des COHORN du Comtat d’Avignon.
L'hôtel particulier de la Banasterie
L'arrière-arrière-petit-fils de Jean, Claude de COHORN, greffier de la Chambre Apostolique, marié en 1617 avec Hélène de SIFFREDI, acheta en 1632 une parcelle dans la Banasterie et y fit construire leur demeure. Leur fils Gabriel de COHORN, seigneur de LIMON et du MAS-BLANC, capitaine des Chevau-légers de la Garde du Roi, marié en 1669 avec Françoise de l'ÉGLISE, agrandit la maison paternelle en 1703, actuel hôtel de COHORN DE LIMON.
Sur le tympan de la façade, Le blason porte un "homme sauvage" tenant un tronc d'arbre déraciné. Il est surmonté d'un casque indiquant son rang (sans doute baron) et suivi de la devise, peut-être incomplète : FAIRE DIRE.
L'homme sauvage
On trouve au XVIe siècle l'image symbolique de l'homme sauvage tenant un arbre déraciné sur une gravure de Hans Holbein Le Jeune ainsi que sur des monnaies allemandes.
Si les représentations vivantes des hommes sauvages étaient quelquefois considérées comme une menace à l’ordre public, les représentations artistiques, elles, devinrent plus positives au XVIe siècle. Les familles nobles et les gens de la ville se mirent à célébrer les hommes et femmes sauvages pour leur force physique, leur endurance et leur liberté par rapport aux règles de la société. Des sauvages avec leur gourdin firent leur apparition sur les armoiries de plus de deux cent familles en Europe, la plupart dans les régions germanophones. L’homme sauvage était devenu un idéal de la Renaissance.
Pourquoi Gabriel de COHORN arbora-t-il au XVIIIe siècle cet homme sauvage comme blason sur le fronton de sa maison ? La réponse est peut-être dans la devise de Pierre de COHORN qui figure sur sa pierre tombale : NUNIANT FUNERA MONSTRIS.
* Jean Gallian donne 4 pals de gueules. Je n'ai pas trouvé sa source, sinon l'armorial de Jougla de Morenas de 1935. Ma référence est le Barjavel de 1841. Il me faudra quand même aller voir dans l'église de Montfavet si la pierre tombale décrit suffisamment les émaux.
Depuis le verger d'Urbain V, il est possible d'apercevoir des parties gothiques de l'hôtel de COHORN de LIMON :
http://avignon-etats-lieux.blogspot.com/2010/07/hotel-cohorn-de-limon.html
http://avignon.hautetfort.com/archive/2011/03/08/discreto-gargai.html
On pourra lire le second article de cette page intitulé "Montfavet, son église et une curieuse imposture ?" :
http://bvemagenta20.blogspot.com/2018/04/
Dans le livre intéressant et d'actualité de J.J. de SELLON Lettre sur la guerre (1830), on trouve cet exemple remarquable :
« Le baron de Cohorn fut une fois haché à coups de sabre par l'escadron qu'il commandait, pour avoir voulu réprimer des désordres pareils... »
Commentaires
passionnant (et merci pour le conseil de la vue depuis le verger)
les avais oubliées (pas bien) les gargouilles et le billet de Framboise
Les émaux ne sont pas représentés sur la dalle funéraire, qui est tracée au moyen d'inclusions de matière sombre (résine ?) soulignant les engravures pratiquées dans le calcaire. Autrement dit, la pierre tombale est bichromatique sans plus.
L'article de BveMagenta ne rapporte pas les arguments d'Henri-Paul Eydoux sur le dessin aberrant de l'armure et sur la graphie et linguistique impossibles de la longue épitaphe. Dommage.
Impressionnant travail de recherche et de clarification, bravo !
De mon côté, fascinée depuis longtemps par " Rübezahl" une version de l'Homme Sauvage peinte au XIXe par un artiste allemand (https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%BCbezahl) j'ai fait des recherches iconographiques sur ce mythe.
Ce qui m'a permis de découvrir le modèle du blason figurant au fronton de l'hôtel Cohorn de Limon :
Version originale du document en anglais :
https://www.academia.edu/7863350/Belsay_Castle_Belsay_Northumberland_Scientific_Analysis_and_Historic_Interpretation_of_Decorated_Window_Glass_by_Henry_Gyles_of_York_Dungworth_and_Harrison_
Version traduite par google :
https://www-academia-edu.translate.goog/7863350/Belsay_Castle_Belsay_Northumberland_Scientific_Analysis_and_Historic_Interpretation_of_Decorated_Window_Glass_by_Henry_Gyles_of_York_Dungworth_and_Harrison_?_x_tr_sl=en&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=sc
La devise figurant sur le vitrail "LES SIS DIRE" (Laissez dire) ne laisse planer aucun doute sur la correspondance entre cette ancienne fenêtre du château de Belsay et le fronton du 25 rue Banasterie.
Voir aussi l'article en lien ci-dessous (qui reprend à peu près les mêmes termes) et sa traduction :
https://www.vidimus.org/blogs/news/the-wildman-at-belsay/
https://www-vidimus-org.translate.goog/blogs/news/the-wildman-at-belsay/?_x_tr_sl=en&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=sc
Il s'agit maintenant de tenter d'établir un lien entre les familles Middleton et Lambert - Sir John Middleton, 2e baronnet (1678-1717) ayant épousé Frances Lambert de Calton, (petite-fille du général John Lambert) le 15 juin 1699 à Kirby Malham - et celle de Gabriel de Cohorn... Si elle existe !
.
Ce qui m'enchante le plus dans cette histoire, c'est que "Les Sis Dire" (Laissez dire, en français) provient évidemment de la devise, chère à mon père "Bien faire et laisser braire" :-)
Belle trouvaille, Tilia. qui me permet de penser qu'au milieu de cette devise FAIRE DIRE, il doit manquer ET LAISSER...
Également, que cet homme sauvage ne serait qu'une mode venue du XVIe siècle.
Oui, Michel, mais ce qui m'étonne c'est que je ne vois aucun rapport entre l'homme sauvage et la devise "FAIRE DIRE". Devise dont il serait intéressant de s’assurer qu'il n'y en a pas une partie cachée impossible à voir depuis le sol.
Un cliché révélant la base du fronton serait bien utile, mais ce n'est sans doute possible qu'en demandant au voisin d'en face de bien vouloir le prendre en photo...
Je suis persuadé qu'il n'y a rien avant FAIRE et rien après DIRE.
Par contre, il y a une longueur remarquable au milieu du ruban qui ne contient curieusement aucun mot.
Je persiste donc dans FAIRE ET LAISSER DIRE !
Oui j'en suis bien d'accord.
Mais est-on certain que le ruban ne fait pas une boucle passant au bas de l'écu, endroit invisible depuis le sol ?
Boucle sur laquelle se trouveraient les mots ET LAISSER qui manquent à la compréhension de la devise...
Je ne crois vraiment pas car on voit bien la continuité du ruban. Mais si j'ai l'occasion de rencontrer quelqu'un qui habite en face, je demanderai !
J'ai trouvé ce site qui contient une impressionnante liste de liens en lien avec l'Homme sauvage :
http://www.michele-aquaron.com
J'ai aussi trouvé une citation de Jean-Jacques Rousseau :
« L'homme sauvage a partout le prendre ou le laisser dans la rencontre et le choix de la fuite ou du combat. »
L’ "Homme sauvage" dans tous ses états
http://www.marc-grodwohl.com/mémoires-de-l’ecomusée-d’alsace/l’-homme-sauvage-dans-tous-ses-états
Ah ! mais oui, mais non ! j'ai mis du temps à voir l'évidence : ce que je prenais pour un demi-cercle soulignant l'écu, n'est en fait que la continuité du ruban. Décidément ma comprenette vieilli :-/
Par ailleurs, j'en viens à me demander si le relief de ce fronton ne serait pas un réemploi.
Ce qui expliquerait son aspect érodé par rapport au reste de la façade...
L'aspect érodé du blason provient de la technique de ravalement utilisée, très intrusive pour la sculpture. On en a un autre exemple avec une façade récemment vue ici, celle de la chapelle Saint-Joseph à l'angle de la défunte rue Sambuc, où la figure du dédicataire est devenue celle d'un monstre.
Par ailleurs, au risque de passer pout têtu comme un breton, je persiste à penser que la bonne lecture est FAIRE SANS DIRE, l'expression "laisser dire" étant tout à la fois moderne et bien trop triviale pour une devise héraldique. En outre, il n' y a guère la place pour glisser "et laisser" au centre, et il n'est pas envisageable qu'une partie de la devise soit cachée par un prétendu repli de la banderole. Ce masquage partiel sous ondulations de tissus est parfois présent sur certains tableaux religieux ("Ecce agnus Dei - Gloria in eccelsis... ") mais il s'agit alors de textes bien connus par ailleurs, alors qu'une devise de famille se doit d'être affichée dans sa totalité pour être compréhensible.
Alain, la devise "LES SIS DIRE" (Laissez dire) figure sur un vitrail (ancienne fenêtre du château de Belsay) qui "Based on historical evidence" a probablement été produite à la fin du XVIIe siècle et installée au début du XVIIIe siècle :
https://www.academia.edu/7863350/Belsay_Castle_Belsay_Northumberland_Scientific_Analysis_and_Historic_Interpretation_of_Decorated_Window_Glass_by_Henry_Gyles_of_York_Dungworth_and_Harrison_
Maintenant, j'ignore ce que vous entendez par "moderne" mais je doute que cela corresponde à la fin du XVIIe siècle..
Et, en examinant la photo du vitrail figurant dans le PDF mis en lien ci-dessus, vous remarquerez qu'il présente tout en haut un "homme sauvage" ressemblant fortement à celui de la Banasterie...
Le lien vers la traduction de l'étude sur le vitrail de Castle Belsay
https://www-academia-edu.translate.goog/7863350/Belsay_Castle_Belsay_Northumberland_Scientific_Analysis_and_Historic_Interpretation_of_Decorated_Window_Glass_by_Henry_Gyles_of_York_Dungworth_and_Harrison_?_x_tr_sl=en&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=sc
Noter la proximité entre Belsay (Bien dire ?) et la devise "LES SIS DIRE" figurant sur le vitrail en question...