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Li secrèt d'un blasoun

Les secrets d'un blason
The secrets of a blazon
Die Geheimnisse eines Wappens

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Ce blason se trouve au 5 rue Notre-Dame-des-7-Douleurs.
Il est surmonté du heaume symbolisant un chevalier ancien nanti d'une charge. Il se décrit ainsi :
Écartelé, au 1 et 4 d'or au chevron d'azur accompagné de trois pattes d'ours de sable posées 2 et 1 qui est de JOANNIS ; au 2 et 3 contre-écartelé, de gueules à une roue ouverte de six rayons d'argent, et d'or à une tête d'aigle arrachée de sable, qui est de NOSTREDAME ; sur le tout d'or au lion lampassé de sable qui est de JOANNIS.
Il s'agit du blason familial de Melchior Jacques de JOANNIS, seigneur de Nochères.

À l'emplacement de ce pâté de maisons, se dressait le couvent des Augustins réformés, bâti en 1608. Melchior-Jacques de Joannis avait fait construire une chapelle dans l'église de ce couvent et y fut inhumé en 1640. C'était la seule tombe remarquable de l'église des Augustins réformés. La belle et célèbre Diane de Joannis, sa petite-fille, marquise de Ganges, apparentée à Nostradamus par son père et à St-Louis par sa mère, fut également enterrée dans cette sépulture en 1667, après avoir été assassinée dans d'atroces conditions.

Situation des Augustins réformés sur un plan de 1649, puis une vue aérienne de 1926 :

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Cette attribution n'aurait pas été possible sans Alain Breton
que je remercie et dont voici la contribution éclairée :

  Ces belles armoiries ornent un immeuble des années 1960, élevé au n°5 de la rue Notre-Dame des Sept Douleurs. Elles proviennent manifestement d’un monument plus ancien. Sauf à retenir l’hypothèse peu vraisemblable qu’elles aient été largement déplacées, le seul édifice ancien disparu à proche distance, était le couvent des Augustins Réformés (ou Augustins déchaussés, ou déchaux), fondé en 1608 et disparu sous la Révolution. Il occupait sensiblement l’emplacement de l’actuel collège Saint-Jean Baptiste de la Salle, dont les bâtiments plus anciens ont été largement remaniés à diverses époques, dont notamment dans les années 1960.

  Un pas décisif fut franchi lorsque Michel identifia les armes placées en 2 et 3 de ce blason écartelé : ce sont celles de la famille de Nostredame (Nostradamus), pendant que celles en 1 et 4 pouvaient être rapprochées des armoiries ornant le dôme de la chapelle construite en 1680 par Pierre de Joannis de Verclos à la Cathédrale. Mais cette identification n’était que partielle, donc inachevée...

  La solution de l’énigme se trouve dans le manuscrit du chanoine de Véras, qui releva au XVIIIème siècle quantité d’inscriptions, pas toutes funéraires, placées dans les églises d’Avignon.

  Pour les Augustins Réformés, de Véras n’en mentionne que deux : l’une est la dédicace de l’église, consacrée le 19 novembre 1638 par le vice-légat Mario Philonardi, l’autre est une plaque de fondation placée dans la chapelle la plus proche du grand autel. Laquelle indique que le XI des calendes de février 1640, Melchior-Jacques de Joannis, seigneur de Rossans, descendant de l’illustre famille florentine des Joannis établie de façon continue dans cette cité depuis 300 ans, et rappelant qu’il avait lui-même accompli "diverses ambassades pour des affaires difficiles, notamment auprès du roi de France très chrétien Louis XIII, par ordres de Paul V, Grégoire XV et d'Urbain VIII, heureusement régnant", a fondé une messe perpétuelle dans la chapelle dédiée à Notre-Dame des Sept Douleurs qu’il a faite construire pour lui et pour les siens.

  Le nobiliaire de Pithon-Curt, repris par Jean Gallian, indique que Melchior-Jacques de Joannis, de la branche des seigneurs de Nochères, aurait épousé Tomine de Nostredame, et que leur fils Gabriel, seigneur de Rossans et de Châteaublanc, donna le jour à la fameuse Diane, future marquise de Ganges qui périt affreusement en 1667 de la main de ses deux beaux-frères.

  L’hôtel avignonnais des seigneurs de Nochères se trouvait à Avignon, paroisse Saint-Géniès (il fut rasé en 1899 pour laisser place aux Halles), ce qui permet de retrouver quelques actes d’état-civil qui confirment, voire précisent, ce qui précède : 
 — Melchior Jacques de Joannis décéda le 16 mars 1663, et son obituaire indique qu’âgé d’environ 86 ans, il fut enseveli "in ecclesia RR patrum Augustinianorum discalceatorum", soit dans l’édifice qui nous intéresse.
 — Son épouse l’avait précédé dans la tombe : "Thomia de Nostradamus, uxor (dum viveret) Domini de Nauchères", était morte le 29 juin 1657, à l’âge d’environ 84 ans, et enterrée elle aussi dans la chapelle familiale des Augustins réformés.

  Le couple s’était vraisemblablement marié à la toute fin du XVIème siècle  : les registres paroissiaux de Saint-Géniès gardent la trace du baptême de leurs enfants Laurent (9 mars 1600), Gabriel (13 mars 1601), Clément (1604), etc. etc. en tout 8 enfants dont, curieusement, le dernier, leur seconde fille, sera prénommée Diane (19 juin 1615).

  Tous ces faits militent pour que nous voyions dans les armoiries de la rue Notre-Dame des Sept Douleurs, celles de Melchior-Jacques de Joannis de Nochères, seigneur de Rossan, époux de Thomia (ou Thomine) de Nostradamus :

Écartelé : au 1 et 4 d'or au chevron d'azur accompagné de trois pattes d’ours posées 2 et 1, qui est de Joannis ; au 2 et 3 contre-écartelé de gueules à une roue ouverte de (six ?) huit rayons d'argent, et d'or à une tête d'aigle arrachée de sable, qui est de Nostredame ; sur le tout d'or au lion lampassé de sable qui est de Joannis.

On peut ajouter que Diane de Joannis est en mars 1663 légataire de son grand-père, ce qui montre qu’elle devait être alors la seule survivante de la lignée. Les circonstances de son décès firent que sans doute la famille de Ganges ne chercha pas à relever le nom, ce qui pourrait expliquer que ces armes n’aient plus réapparu.

  Note complémentaire sur Diane de Joannis de Châteaublanc, parmi les documents retrouvés à l’occasion de cette recherche, quelques inédits :

 — Baptème de Diane de Joannis : St Géniès, 28 février 1634. Elle est dite née le 16 du même mois, tout le monde la croit "née vers 1635".

 — Sépulture de Diane de Joannis : par son testament, elle avait fait élection de sépulture dans la chapelle familiale des Augustins Réformés. Après avoir reposé quelque temps à Montpellier, son corps fut ramené à Avignon au couvent des Cordeliers, puis finalement enseveli dans la chapelle des Augustins Réformés le 18 novembre 1667. La cérémonie fut assurée par le chapitre de St-Pierre, qui plaça l’évènement à sa date dans son registre de décès. 

 — Codicille : daté du 19 mai 1664, le testament de Diane, où elle indique qu’elle craint pour sa vie, est bien connu ; mais le document par lequel elle déshérite entièrement son mari est un codicille du 22 septembre suivant, révoquant les dispositions antérieures, déjà peu libérales, envers lui et précisant qu’ "elle entend qu’après son décès ledit seigneur de Ganges n’ait aucun fruit et jouissance des bien de la testatrice…"  Acte reçu par le notaire dans la chapelle de la testatrice, dans l’église des pères Augustins réformés déchaux, nombre d’entre eux servent de témoins.

Alain BRETON

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