Joseph-Noël Clamon
« C’est à l’âge de quatorze ou quinze ans que Guy Tournier, un copain du lycée me dit qu’il faisait partie d’un groupe folklorique avignonnais : "L’Académie Provençale" dirigée par M. Clamon. Ce copain précisait qu’il y avait dans ce groupe plein de filles, et qu’elles étaient même très jolies ! M. Jean-Noël* Clamon, ainsi prénommé parce qu’il était né un soir de Nativité, habitait une très vieille bâtisse provençale, rue de la Monnaie, à Villeneuve-les-Avignon. Âgé de près de soixante-dix ans, Il se disait un peu félibre, c’est-à-dire un peu poète, un peu chanteur, un peu blagueur, grand amateur de la langue provençale des Aubanel et autre Roumanille. Grand, alerte, très élégant, portant un chapeau de feutre noir, "un capeou", devrais-je dire, pantalon de velours marron, chemise à fleurettes indiennes et lacet rouge autour du cou, il ressemblait bigrement à Frédéric Mistral. Le cheveu au vent, une fine moustache toujours bien brossée, il avait dû être durant sa jeunesse un séducteur de première, car nous voyions bien, malgré son âge avancé, qu’il disposait toujours, d’un petit succès avec la gent féminine, et qu’il en éprouvait apparemment un plaisir non dissimulé. À la tête de "l’Académie Provençale" depuis des lustres, il contribuait à transmettre à ce groupe, une notoriété incontestable, dépassant de loin les pourtours du Comtat Venaissin.
Il y avait à Avignon deux groupes folkloriques. "L’Académie Provençale" de Clamon, et le second, "Lou Riban di Prouvenço", dirigé par Mlle Duret, vieille célibataire fluette, mais dotée d’une énergie peu commune. Lorsqu’il rageait un peu à l’encontre de Mlle Duret, M. Clamon prétendait haut et fort que le groupe de "l’usurpatrice" n’avait pas sa place sur Avignon, car ses danseuses portaient le costume traditionnel des Arlésiennes, qui n’avait rien à voir avec l’authentique costume du Comtat Venaissin, le nôtre ! Une véritable guerre des tranchées s’était établie entre ces deux personnages hauts en couleurs et au fort caractère, pour l’attribution dans la région, de telle ou telle manifestation folklorique. L’émulation qui régnait entre ces deux groupes rendait leurs prestations réciproques exemplaires.
Ma tante Simone habitait la même rue que M. Clamon et elle le connaissait très bien. Un jour, sur ma demande, elle me présenta à lui. Je souhaitais vraiment, comme Guy Tournier, devenir danseur de farandole, faire quelques voyages dans la région, mais surtout rencontrer des âmes féminines esseulées.
Clamon était le musicien du groupe. Entendez par là qu’il était le "fifre" ou si vous préférez, "le tambourinaire", celui qui, dans la tradition provençale joue du galoubet et frappe sur un tambourin. Dans la conversation, je lui ai certainement parlé de mon passage éclair au conservatoire, lorsque j’avais onze ans et de ma dextérité à jouer sur mon pipeau en bakélite à six trous. Aussitôt, après qu’il eût observé ma frêle constitution de presque adolescent, il me dit qu’il ne recherchait pas tant un danseur qu’un instrumentiste. Il me confia sur le champ un galoubet, me demanda de souffler, et, surprise, il sembla que j’étais assez doué ! Quinze ou vingt jours après, j’arrivais à sortir, presque sans faute, de mémoire, une grande partie du répertoire de la musique folklorique provençale. »
Robert Garcia Avignon, j’ai grandi avec toi 2015.
* Il se prénommait en fait Joseph-Noël.
Commentaires
il avait bien raison pour les costumes (et je les trouve plus gentiment charmants)
je me demande si ceux que l'on entend parfois au Roure ou autres part ont fait partie, jeunes de Lou Riban ou de l'Académie
On peut voir et surtout écouter Jean-Noël Clamon parler du quartier de la Balance dans cette vidéo, à la minute 23:07 :
http://www.cndp.fr/media-sceren/banque-images/la_renovation_d_un_quartier_d_avignon-51127-s.html#
Incroyable d'avoir loupé ce billet ! j'ai pourtant bien connu Lou Riban et surtout sa directrice, qui m'a enseigné non pas la farandole mais la dactylographie, chose devenue bien utile depuis que les ordinateurs et les claviers sont partout ;-)
Oui, il se prénommait effectivement Joseph-Noël
et Jean-Noël est une erreur
que l'on pardonne volontiers à Robert Garcia
puisque le site de la Bibliothèque municipale d'Avignon mentionne les deux prénoms, le vrai et le faux :
https://bibliotheques.avignon.fr/in/faces/browse.xhtml?query=Auteur%3A+%22Clamon+Joseph-No%C3%ABl%22
https://bibliotheques.avignon.fr/in/faces/browse.xhtml?query=Auteur%3A+%22Clamon+Jean-No%C3%ABl%22
.
J'ai été longtemps à L'Academie Provencale dans les années soixante.....Tout ce qui est dit ci -dessus est vrai . Je regrette de n'avoir pas été plus mature à cette époque .
J'ai essayé de retrouver sa petite fille Françoise qui a mon âge mais elle s'est mariée et je ne connais pas son nom. Quelles belles années !!!!
Merci Teissier pour ce témoignage.
Peut-être un jour le lira-t-elle ?
peut-on publier des photos ?
Les photos de ce Monsieur sont plutôt très rares !
Il m'intéresse donc d'en découvrir. J'en publierai.
Vous pouvez m'écrire en cliquant sur la petite enveloppe en haut à gauche de ces pages.
J'ai une trés belle photo de lui et quelques autres si je cherche un peu....
Que n'avez-vous pas cliqué sur la petite enveloppe en haut de page à gauche, pour m'envoyer des photos.
Je vous répond par courriel, Claude.