Certaines choses me préoccupent au soir du dernier jour du Forum d’Avignon. Tout d’abord, n’imaginez pas que cet évènement offre une prise de parole à quiconque n’étant pas programmé…
Nous sommes sur une balance. Des deux plateaux, l’un est la culture et l’autre l’économie de marché. Le troisième thème de ce forum, les médias, semble bien en être l’aiguille : l’indicateur, le témoin et en même temps et en particulier le chaînon gênant : l’Internet ! Je me plais à considérer que l’art appartient aux artistes et que la culture appartient au peuple. Ce qui me réjouit dans le réseau international (la Toile), c’est – et tout le monde en est conscient – que l’accès à l’information et à la culture a fait un bond considérable en avant, non seulement en termes de consommation de contenu, mais également en termes de création de contenu.
Louis Schweitzer, se plaint de la difficile crédibilité d’informations venues de tous horizons, notamment non professionnels et en cite un exemple personnel d’erreurs commises à son propos. Lui prône la défense des professionnels de l’information. Mais les exemples de fausse information émanant de professionnels ne sont pas moins nombreux ! Sans parler des à-peu-près, des raccourcis ou des amalgames fréquents dans les journaux, qui corrompent l’information, ni des informations fragmentaires sur lesquelles se jettent les médias. Et je ne parle pas des journalistes dont le discours est bien convenu… Qui donc pourra produire des chiffres comparatifs quant à la qualité de l’information entre professionnels et amateurs ? Sachons aussi que, par exemple, la carte d’identité des journalistes n’est pas délivrée suite à la reconnaissance d’une qualité professionnelle, mais suite à la déclaration d’un revenu mensuel suffisant ! Dans le domaine de l’information, avec les progrès actuels, la pertinence professionnelle se meurt. Une nouvelle forme d’information se fait jour débarrassée du joug patronal. Et ceux qui contrôlent l'ancienne essaient de la sauver pour conserver leur pouvoir. Les seuls vrais professionnels restent et resteront les techniciens.
Frédéric Mitterrand, lui, après un panégyrique attendu (et apprécié) de la culture et de son importance de premier plan dans l’économie, revient sur la nécessité de gérer une taxation du contenu, afin, soi-disant, de ne pas spolier les artistes de leurs droits sur leurs travaux. Sans doute, sa parole est de circonstance. Car je ne veux pas croire qu’il ne soit pas conscient de la différenciation absolue que les nouvelles technologies apportent (enfin) : l’œuvre d’art d’un côté, la copie commerciale de l’autre. (La balance encore.) Tout contenu présent sur la Toile est une copie. Et la copie, c’est le domaine de la grande distribution, donc du capital. La taxation ne protège que ça. La société de consommation ne nous propose plus que des copies ? Nous allons alors acheter de la matière. Nous assistons au retour de l’objet authentique. Ce doit être le retour de l’artiste. Tout ce qui passe par le canal numérique n’est que de l’information : cela n’a plus de valeur. Cela n’en a jamais eu. Veut-on éviter les piratages sur la Toile ? Ne pas mettre en ligne le contenu artistique sujet à droits. Et admettre enfin qu’une œuvre achetée donne le droit de la reproduire pour la partager (ce qui ne sera pas facile). La télévision, quant à elle, ne sera bientôt plus qu’une proposition parmi d’autres sur notre écran. C’est une question de génération.
Commentaires
comment pouvait-on y assister ?
bah tant pis - je me suis fait offrir de la soupe et une patate dans le jardin d'Utopia, et entendu les soutiers de la culture
Une photo étant une copie, avec ce qu'on nous concocte en douce, j'ai bien peur qu'on ne puisse même plus photographier une oeuvre d'art dans un musée et la faire partager gratuitement sur la toile, comme ça se pratique sur les blogs ou sur Flickr.
Bientôt il n'y aura plus que des sites patentés où il faudra payer pour voir :((
Brigetoun => Je suis allé sur le site du Forum d'Avignon et j'ai demandé une accréditation presse, parce que j'ai une carte de presse.
Yvelinoise => Pas d'accord ! La Toile est un nouvel espace et nous luttons pour qu'il ne soit pas accaparé par le commerce, justement ! Il y a redistribution des cartes ! Je le dis : les copies ne valent rien (tout au moins pas grand chose) et la toile offre leur accès inespéré à une population qui en aurait été privée. Il faut refuser de payer en ligne !!! Absolument !!!
Vaste débat !
Je pense aussi que la taxation participe de la marchandisation et qu'elle ne résoudra rien, ou peu.
"Ne pas mettre en ligne le contenu artistique sujet à droits", certes. Mais il y a des internautes qui n'ont aucun scrupule à mettre ligne des images, des concepts, des photos, des sons, des intimités "volées". Le cas d'IKB ne me paraît pas exemplaire et je le reprends à ta suite pour dire qu'il n'est pas "démocratique": qui a les moyens et la structure pour traquer la moindre "copie" ou imitation ?
Ce que je veux dire en prenant IKB (International Klein Blue) comme symbole (pointu), c'est que la restitution cette couleur sur un écran ne sera jamais qu'une approche du pigment original. L'œuvre étant une couleur, on pourrait croire qu'elle puisse être duplicable à l'infini, mais il n'en est rien.
Il n'y a pas de contrefaçon à traquer dans un espace où tout n'est qu'information !!!
La Toile est l'apothéose du plagiat !
D'ailleurs, faites cet essai :
Demandez à Google "IKB" et cliquez en haut sur "Images"... vous comprendrez !
Entièrement d'accord avec toi Michel ! il n'est pas question que je dépense un centime de plus que le prix de mon abonnement à mon FAI pour voir des tableaux sur mon écran ! à la rigueur je veux bien verser une obole aux bénévoles de Wikipedia pour leur travail, mais ça s'arrête là.
Ah Michel, toi qui nous as habitué à des légendes lapidaires et parfois absconses, tu nous régales aujourd'hui d'une diatribe bien sentie qui me réjouit.
Merci.
Très intéressante, la recherche Google sur IKB!
J'ai refusé de montrer le forum, volontairement, et je réponds à cet article car il pose assez bien le problème qui, c'est mon avis, l'était très mal dans le forum. La culture ne doit pas être mise en balance avec l'économie, elle doit être et rester le contre pouvoir, sinon elle crève, tout simplement. Autant dire que le design est de l'art au même titre qu'un Cézanne ou un Picasso. Internet et tous ses vecteurs ne sont que des outils de diffusion, d'expression. Même pour l'écriture, le livre numérique par exemple fait connaître la parole, mais pas l'objet, si tant est que le livre soit une œuvre d'art, le plus souvent le papier n'est rien d'autre qu'un support. Seule exception donc, l'écrit, qui peut utiliser tous les véhicules. Pour le reste, il existe aussi un création plastique qui utilise les médias vidéos (même eux sont déformés par internet, il faut voir ce que cela peut donner sur certains écrans) et bien entendu informatiques.
Oui, Fardoise, les supports des arts sont innombrables et le numérique vient ombrer d'un large flou la limite entre œuvre et copie. Il faudra bien que la part des choses se fasse...