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Lou libraire e la Biblo

Le libraire et la Bible
The bookseller and the Bible
Der Buchhändler und die Bibel

Un libraire brûlé à-n-Avignon vers 1550 pour vente de bibles

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662561476.jpgAvignon, qui appartenait au pape, on ne traitait pas mieux la Bible qu'à Lille, soumise au roi d'Espagne. Des prélats s'y promenant un jour après dîner, en compagnie de femmes de mœurs peu sévères, après leur avoir acheté, dans une boutique de la rue au Change, des images et portraits que Crespin dit "déshonnêtes", eurent leur attention attirée par l'étalage d'un petit marchand depuis peu établi à Avignon, qui exposait en vente des Bibles en latin et en français. Il fallait une rare hardiesse pour mettre en vente des Bibles dans la ville des papes. Les prélats lui exprimèrent leur étonnement : « Qui t'a fait si hardi, lui dirent-ils, de déployer une telle marchandise en cette ville ? Ne sais-tu pas que de tels livres sont défendus ? » Le libraire, sans perdre contenance, leur répondit : « La sainte Bible n'est-elle pas aussi bonne pour le moins que ces belles images et peintures que vous avez achetées à ces demoiselles ? » Il n'eut pas sitôt dit cette parole que l'évêque d'Aix, qui était l'un des prélats ainsi pris à partie, s'écria : « Je renonce à ma part de paradis s'il n'est luthérien ». Il ne se trompait pas en estimant que là où se trouvaient réunies la Bible et la sévérité des mœurs, il y avait preuve évidente de protestantisme. Sur-le-champ, dit Crespin, le pauvre libraire fut empoigné et bien rudement mené en prison. Car, pour faire plaisir aux prélats, une bande de ruffiens et de brigandeaux, qui les accompagnaient, commencèrent à crier : « Au luthérien ! au luthérien ! au feu ! au feu ! » L'un lui baillait un coup de poing, l'autre lui arrachait la barbe, tellement que le pauvre homme était tout plein de sang devant que d'arriver dans la prison.
 Le lendemain, il fut amené devant les juges, en la présence des évêques, et fut interrogé. Il dit, entre autres choses, à ses juges :
 « Vous qui habitez en Avignon, êtes-vous tous seuls de la chrétienté qui ayez en horreur le Testament du Père céleste ? Et pourquoi ne voulez-vous pas permettre que l'instrument et les lettres authentiques de l'alliance de Dieu soient partout publiés et entendus ? Voulez-vous défendre et cacher ce que Jésus-Christ a baillé puissance à ses saints apôtres de publier en toutes langues, afin qu'en tout langage le saint Évangile fût enseigné à toute créature ? Que ne défendez-vous plutôt les livres et les peintures qui sont pleines de paroles déshonnêtes, et même de blasphèmes, pour inciter les hommes aux mauvaises mœurs et à mépriser Dieu ? »
 L'indomptable fidélité du libraire, qui se refusa à faire amende honorable devant les prélats, et leur déclara en face qu'ils étaient plutôt sacrificateurs de Bacchus et de Vénus que vrais pasteurs de l'Église de Jésus-Christ, acheva de le perdre, et il fut envoyé ce jour même au bûcher. Et, pour bien marquer la cause de sa condamnation, on lui attacha deux Bibles au cou, l'une par-devant et l'autre par-derrière. Ce n'étaient pas là, dit Crespin, de fausses enseignes ; car vraiment le pauvre libraire avait la Parole de Dieu au cœur et en la bouche, et ne cessa, par le chemin et au lieu du supplice, d'exhorter et d’admonester le peuple de lire la sainte Écriture, tellement que plusieurs furent émus à s'enquérir de la vérité.
 C'est ainsi que les colporteurs bibliques du seizième siècle accomplissaient leur grande mission, et savaient parler, agir, souffrir et mourir au service du Livre où ils avaient trouvé pour eux-mêmes le salut et la paix de l'âme.

D'après Jean CRESPIN (1520-1572) résumé par Matthieu Lelièvre.

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