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Jun 1800 : Un veiturin d'Avignoun (1/2)

Juin 1800 : Un voiturin d'Avignon (1/2)
June 1800 : A carrier from Avignon (1/2)
Juni 1800 : Ein Kutscher aus Avignon (1/2)

Chapitre tiré des Mémoires du commandant Jean Stanislas VIVIEN (1777-1850)

 Dans les premiers jours de juin 1800, je rejoignais ma demi-brigade à Aix ; et, après avoir parcouru en diligence et sur le Rhône le trajet d'Orléans à Avignon, je me trouvai arrêté dans cette dernière ville par l'affluence des bandes, dites royalistes, qui infestaient la Provence et le Comtat dans toutes les directions, désarmaient les faibles escortes militaires, faisaient main basse sur les fonds du trésor et les deniers du fisc, mettaient à contribution telles ou telles familles, sous prétexte d'opinions politiques, ou incendiaient leurs maisons : Époque d'anarchie que le gouvernement directorial* ne sut pas réprimer et que les énergiques dispositions prises ensuite par le premier Consul firent bientôt cesser.
 Le terme de mon congé de convalescence venait d'expirer et j'avais reçu l'avis que le commandement d'une colonne mobile m'était destiné, il fallait, de toute nécessité, que j'arrivasse sous peine d'encourir le désagrément d'une verte réprimande, et la perte de mon rappel de solde pendant les trois mois d'absence que j'avais passés dans ma famille.
 J'étais descendu à l'hôtel Saint-Julien, où un mouvement considérable de voyageurs se faisait remarquer ; mais plus de diligence sur Marseille que deux fois la semaine, à cause des escortes militaires qu'elles réclamaient pour la sûreté des voyageurs, et c'était un vrai coupe-gorge pour les officiers si on était arrêté par telle ou telle bande qui avait des vengeances à exercer.
 En voyant l'extrême embarras dans lequel je me trouvais, la maîtresse de l'hôtel me prit à part et me dit : « Monsieur, si vous voulez bien payer, je connais ici un voiturin qui se chargera de vous conduire à Aix en vingt-quatre heures, mais il faudra que vous en passiez par tout ce qu'il exigera de vous. » Sur ma réponse affirmative, un grand diable de Comtadin, noir et nerveux, fut appelé : c'était l'homme du silence et ce fut aussi celui de la loyauté, j'eus bientôt lieu de m'en convaincre.
 « Si Monsieur part seul pour Aix, me dit-il, c'est quarante francs ! » Je trouvais le prix excessif et je voulus marchander ; mais, pour toute réponse, il me tourna le dos ; et il s'en allait tout de bon, lorsque je le rappelai pour qu'il me dit l'heure à laquelle nous partirions. « Demain, sans faute, à dix heures du matin ; mais Monsieur est militaire, et pour sa sûreté comme pour la mienne, il faut qu'il me confie ses armes que je placerai sous clef dans mon caisson. »
 Cette dernière proposition me fit jeter les hauts cris et mon Comtadin s'en allait encore, lorsque l'hôtesse, dans l'appartement de qui cette explication avait lieu, me dit que je ne serais pas le premier officier qui voyagerait sous cette singulière condition. Le lendemain au matin, je vis donc placer mon épée et mes pistolets dans la caisse de la voiture, et prisonnier ou à peu près de mon conducteur, je m'abandonnai à sa discrétion.
 À dix heures précises et par un soleil brûlant, nous sortions d'Avignon.

À suivre...

* Le Directoire : régime politique français de 1795 à 1799, charnière entre la Terreur de la Révolution française et la prise de pouvoir de Napoléon Bonaparte.

Commandant Vivien Souvenirs de ma vie militaire 1792-1822

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