Jacques-Henri Pons
Jacques-Henri Pons lors d'une répétition de jazz en 1974 dans l'hôtel Cabassu (Puget de Barbentane). Au saxophone le peintre Michel Bonnaud. (Cliquer sur les photos.)
Critique, grand amateur de jazz, pianiste, poète, auteur, directeur de théâtre, Jacques-Henri Pons était très lié à Jean Breton et son fils Alain.
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La Condition des Soies
Commentaires
regrets vrais de ne pas l'avoir connu et entendu
Je l'ai bien connu sans le connaitre ,en faisant ses courses il traînait sa lourde carcasse avec très peu de sympathie
Ça me fait plaisir d’être quelquefois trop jeune ;-)
À mon âge c’est un plaisir rare.
À l'époque de ces photos, Jacques-Henri Pons présentait sa pièce "Le Piano B" en juillet à La Cardère, rue St-Joseph, mis en scène par Jean Quioc avec Catherine Blanchard, Jean-Paul Bourreau, Thierry Heckendorn et Dominique Lamure.
La maison où se trouvait La Cardère — dans laquelle s'était installé quelques années auparavant le Théâtre du Chêne Noir — a disparu. On y trouve aujourd'hui une résidence moderne au numéro 5.
En 1990, à propos de la pièce "Bistro" (jouée notamment par Vincent Cassel) :
« L’auteur, d’abord, un rêveur qui collectionne les hôtels particuliers délabrés. Son grand-père, le "Roi des halles", croyait à la pierre. Lui croit au jazz, au cinéma américain, aux stars crépusculaires... » (Bernadette Bost)
Le "Roi des halles", c'était Cabassu.
« Bistro » de Jacques-Henri Pons, créations du festival « off » 1990, jusqu'au 31 juillet, à 19 heures, à la Condition des Soies.
On fait de drôles de rencontres, au coin d’un comptoir de « bistrot ». Surtout quand le lieu, rade des oubliés de la réussite, a renoncé à toutes ses prétentions : même à son « t » final, ajout franchouillard au « bistro ! » russe (« vite ! » dans la langue de Pouchkine) clamé un jour, dit la légende, par un cosaque assoiffé perdu dans Paris.
Jacques-Henri Pons, écrivain avignonnais, a recherché de telles rencontres au fond des banlieues de sa ville, sans craindre de frotter son inspiration au Formica graisseux. Il en a rapporté une chaleur humaniste, quelques répliques bukowskiennes et un bon titre de pièce pour le festival « off » : Bistro.
Dans un bar minable entre les minables, quatre personnages croisent leurs méditations sur l'art, les clous, les songes, les roses de sainte-Thérèse sur les chromos et l’arrière-goût de violette du pommard. Il y a là te barman, un habitué et deux anges de passage, déchus certes mais experts au flipper comme en manipulation des âmes. On les écoute, on rit de leurs bons mots, on accompagne leur dérive vers une prévisible catastrophe... « — au bout du comptoir, la mort », disait déjà, approximativement, Serge Valletti.
Quand on quitte la salle, le petit « cirque » de la Condition des soies, on se dit qu’on a vu un bon spectacle off. Et tel est Bistro, côté scène. Côté coulisses, c’est encore mieux : l’aventure d’une rencontre plus romanesque que dans les fictions.
Là, ils ne sont pas quatre, mais six. L’auteur, d’abord, un rêveur qui collectionne les hôtels particuliers délabrés. Son grand-père, le « Roi des halles », croyait à la pierre. Lui croit au jazz, au cinéma américain, aux stars crépusculaires : Gaby Sylvia y joue son dernier rôle, peu avant de disparaître, dans sa pièce Joker Lady. Figurant chez Vilar au temps de son adolescence, il est devenu dramaturge après avoir vu Jean-Pierre Bisson dédoublé, auteur et acteur en un même corps, dans Sarcelles-sur-Mer à la Cardère. Un succès historique du festival « off ». Depuis, il met en scène ses œuvres dans l’une ou l'autre de ses demeures.
À la Condition des Soies, ex-Mont de piété d’Avignon, qu’il a achetée à demi-ruinée il y a quelques années, il programme ses propres textes et d’autres, comme l’inusable Stratégie pour deux jambons de Raymond Cousse. Les profits des accueils couvrent presque les frais des créations. Le deuxième héros de l'aventure est Jean-Marie Boëglin, père de Bruno Boulin qui joue actuellement (« in ») le Pinocchio slave de la Cité Cornu de Znorko. Avant cette paternité, il a hanté le Berliner Ensemble et fait partager au jeune Roger Planchon sa fascination pour Brecht et Adamov. Condamné en 1960 pour avoir fait partie d’un réseau d’aide au FLN, il a vécu vingt ans en exil, montant des pièces et formant des acteurs au Théâtre national algérien. Rentré au pays, il a fait un bout de chemin avec Georges Lavaudant et se retrouve à mettre en scène Bistro, tout en préparant un hommage à son ami Kateb Yacine pour un prochain festival.
Passionné de toutes les formes d'expérimentation, cet ancien du théâtre forain a affronté l’ « enfer technique » (« douze projecteurs et onze circuits, c’est dire... ») de l’univers « off », qu'il appelle « la rue Saint-Denis du théâtre ». Il a même éprouvé de sérieuses angoisses quand le constructeur du décor, un ami retrouvé dans un cimetière de voitures de Barbentane, a fugué pour courir un rallye automobile, quelques jours avant la première.
Mais les prouesses accomplies in-extremis par ce ferrailleur artiste valaient bien quelques émois. Sans compter la joie de travailler avec Pons dont la pièce Jungle, en 1985, a été pour Jean-Marie Boëglin une révélation.
Le parcours des acteurs de Bistro est à peine moins singulier. En particulier celui de Claude Bouchery, qui a connu les folies post-soixante-huitardes du festival « in », en jouant dans les spectacles de Christian Dente et Michel Berto. avant de s’assagir chez Jacques Lassalle et Jean-Pierre Vincent. Le voila qui compose un duo avec Franck-Olivier Bonnet, comédien-baroudeur qui a bourlingué du cabaret au boulevard avant d’apparaître à Jean-Marie Boëglin, une nuit, dans un téléfilm pour insomniaques.
Avec eux, il y a Nathalie Mongin, jolie brune abonnée aux pièces de Pons, et Vincent Cassel, fils de Jean-Pierre, avec sa dégaine souple de jeune fauve et son regard illuminé. Jamais ces quatre-là, normalement, n’auraient dû se rencontrer sur une scène. Mais le festival « off ». en matière de brassage humain, est parfois aussi faste que les bistrots.
Bernadette BOST
Le Monde Diplomatique